François Mauget et Françoise Martin du Théâtre des Tafurs lancent à Bordeaux les Réseaux de conduites. Une formule intermédiaire entre la lecture et le spectacle, une façon pour eux de tester auprès du public des textes contemporains.
En quoi consistent ces réseaux de conduites ?
Monter des auteurs contemporains comporte des risques. Dans cette période de frilosité intellectuelle et de difficultés économiques, nous avons donc imaginé une solution intermédiaire. Dans un premier temps, nous proposons une lecture-mise en espace, avec une équipe de création restreinte et un temps de répétition court. Une personne, regard extérieur, tiendra un journal de bord de notre travail. Dans un deuxième temps, nous publions un dossier comprenant le texte intégral de la pièce, le journal de bord, des réflexions, des analyses… Ce document de travail qui n’est ni un livre, ni une revue serait tiré à 500 exemplaires.
Quelles sont les réactions des écrivains à votre projet ?
Elles sont partagées. Les auteurs méconnus sont bien sûr intéressés par nos propositions. Les auteurs publiés sont plus divisés. Enzo Cormann par exemple, s’oppose à ce genre d’initiatives. Dans une lettre, il nous explique être contre toute tentative parallèle d’édition. Il nous dit se battre pour ne pas sectariser le théâtre, en cherchant à être édité chez Minuit par exemple. Il pense enfin que la lecture-mise en espace d’un texte peut constituer un alibi pour ne pas monter le spectacle par la suite. En revanche d’autres auteurs, comme Eugène Durif, sont prêts à jouer le jeu et nous proposent des textes inédits mais aussi des textes publiés et trop peu joués.
Cherchez-vous à vous associer à d’autres structures ?
Nous avons bien évidemment contacté d’autres équipes qui s’intéressent aux auteurs contemporains afin de créer un réseau. Nous ne sommes pas propriétaires de ce projet. D’autres peuvent initier leurs réseaux de conduites. C’est d’ailleurs ce qui va se passer avec Daniel Crumb, écrivain comédien à Angoulême. Nous sommes juste garants de la qualité du dossier clôturant le travail.
Pratiquement, comment cela va-t-il se mettre en place ?
Cette année nous allons réaliser deux réseaux de conduites. Le premier verra le jour en avril. Nous travaillons sur un texte magnifique et mégalomane d’un écrivain bordelais, Alain-Julien Rudefoucauld : Doutzol frontier. Comme nous étions dans l’incapacité de produire ce spectacle avec un orchestre symphonique, un train, trente acteurs, nous avons entrepris avec l’auteur une deuxième version de son œuvre, plus réduite, Dancing. La mise en espace de ce texte n’est pas pour nous un sous-spectacle mais plutôt un palier nous permettant de nous interroger sur le fond du texte souvent sacrifié à la forme. Comme nous avons envie de monter Dancing par la suite, cette première étape nous permettra de montrer notre travail à des co-producteurs. Enfin c’est un moyen de travailler rapidement sur des coups de cœur.
Théâtre des Tafurs
17 quai de Bacalan 33300 Bordeaux
Tél : 05. 56. 50. 43. 47
Théâtre Cuvée contemporaine à Bordeaux : Théâtre des Tafurs
mars 1997 | Le Matricule des Anges n°19
| par
Laurence Cazaux
Face à la marginalisation du théâtre contemporain et à la démission de certaines scènes, deux actions originales sont menées à Bordeaux par La Boîte à jouer et Le Théâtre des Tafurs. Dans un contexte très précaire.
Cuvée contemporaine à Bordeaux : Théâtre des Tafurs
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°19
, mars 1997.