Longue nouvelle ou court roman, le premier livre de Michel Gremeaux connu surtout pour son rôle de directeur de la revue L’Anacoluthe, s’inscrit résolument dans la ténuité des choses. L’action qui tend le récit dure, précisément, trente secondes. Une demi minute durant laquelle un espion ou un voyeur se fait surprendre par le sujet de son observation : une jeune fillette de onze ans. Chlo, c’est son nom, quand elle ne joue pas avec la chatte Belle, fait parfois nuitamment le mur pour retrouver un jeune homme aux cheveux longs, premier amour, premier interdit. Est-ce à cause de ces escapades que notre narrateur-voyeur l’espionne avec un objectif de 300 mm ? Travaille-t-il pour les parents de la fillette absents à son onzième anniversaire dans la maison de la grand-mère ? À qui doit-il rendre des comptes ? Michel Gremeaux laisse les points d’interrogations se perdre dans la pénombre. Son récit s’attache surtout à donner à voir la belle Chlo, si belle que c’en est presque désespérant de considérer qu’elle n’est même pas adolescente. Car l’érotisme d’une telle observation, méticuleuse, si précise qu’elle ne peut être qu’amoureuse, renvoie le voyeur et donc le lecteur à un étrange sentiment de culpabilité. Face à la sensualité de la situation, rendue par une écriture léchée, le plaisir fébrile qu’on ressent à chaque apparition de la fillette nous piège : on aimerait en savoir plus, forcément. Le mystère intensifie le désir. Récit sur le regard, exercice d’observation, Escalier sur jardin est donc aussi une ode à la jeunesse, à ce moment -ces trente secondes- où l’enfance glisse avec l’émergence du désir dans l’adolescence. Il tente d’en rendre l’indicible et convoque, pour cela, la luxure d’un jardin de début de printemps, où, même par le regard, les odeurs ennivrent.
Escalier sur jardin
Michel Gremeaux
Le Bois d’Orion, 94 pages, 90 FF
L’Orée de l’Isle 84 800 L’Isle-sur-la-Sorgue
Domaine français Fenêtre sur Chlo
juillet 1997 | Le Matricule des Anges n°20
| par
Thierry Guichard
Un livre
Fenêtre sur Chlo
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°20
, juillet 1997.