David trouve du travail alors même que Beth, sa compagne, le quitte. Un malheur n’arrive jamais seul. Il faut dire que Beth ne pense qu’à mettre la main sur Jachetti, tueur en série à « l’encéphale strictement décoratif », qui, influencé par la radio et la télévision, s’amuse à mutiler ses victimes en produisant son propre commentaire : « Ehhhh oui Jachetti prend son hachoir avance vers le but il évite tout le monde hop une pirouette eh oui !!! Il a coupé une jambe ! Magni-fique ! Ahh là là ça va mal pour les visiteurs… » Malgré la terreur que ce genre de comportement doit provoquer, le bougre n’est pas très doué. Mais Beth préfère lui courir après que suivre David dans ses nouvelles fonctions. Celles-ci, il est vrai, sont pour le moins floues. Notre homme travaille dorénavant au sein d’une entreprise chargée de mettre sur pied une arche puisque, fin de millénaire oblige, le monde s’apprête à connaître le terme de son destin. Que sauver ? Les hommes ? Leur oeuvre ? Leur mémoire collective ? Nicolas Bourriaud regarde notre société du haut de ses 31 ans avec une ironie grinçante et fantaisiste. Co-fondateur de la Revue Perpendiculaire, il investit ici un univers que Le Burelain de Richard Jorif avait déjà exploré : le travail dans le tertiaire vu par un être encore naïf. Mais David, contrairement au personnage de Jorif, n’apporte pas avec lui sa poésie. Son regard agit plutôt comme la radioscopie d’un cardiologue : à froid. Ainsi, afin de combattre sa solitude récente, se doit-il de trouver une nouvelle compagne. Ce qui s’énonce ainsi : « Le principal problème concernait le moyen de rencontrer des jeunes femmes non engagées dans les processus de fécondation ou pas encore lovées autour du torse d’un conjoint. » La tentative de description logique, informatique, du comportement humain s’explique par l’absence pathologique de sentiments et d’humanisme. On n’achète pas les émotions, donc les émotions ne valent rien. Le roman tourne à la pantomime burlesque, drôle. Et si, parfois, quelques longueu
Nicolas BourriaudL’ère tertiaire
Flammarion226 pages, 98 FF
Premiers romans Un Kafka au nez rouge
novembre 1997 | Le Matricule des Anges n°21
| par
Thierry Guichard
Un livre
Un Kafka au nez rouge
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°21
, novembre 1997.