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Poésie D’un air de flûte

janvier 1998 | Le Matricule des Anges n°22 | par Marc Blanchet

Décédé en 1995, l’espagnol Angel Crespo a signé avec Théophanies des poèmes où l’on retrouve la ferveur d’un Saint-Jean de la Croix.

Poète méconnu bénéficiant avec Théophanies d’une première édition française, l’Espagnol Angel Crespo (1926-1995) a été à partir de 1945 un des acteurs du Postisme, mouvement qui tenta de donner une direction aux recherches de l’avant-garde littéraire espagnole. Traducteur de Pessoa, créateur de plusieurs revues, il s’exile en 1967 à Porto Rico à cause de sa position antifranquiste. Son activité de traducteur reprend de plus belle : il donne à lire dans la langue espagnole La Divine Comédie, Le Canzoniere et La Chanson de Roland. « Visiting professor » dans de nombreuses universités à partir de 1973, il revient dans son pays natal et meurt à Barcelone en 1995.
Le parcours de ce poète renseigne à sa manière sur l’œuvre elle-même : traducteur nourri de la lecture de textes classiques, donc vécus et connus dans leur chair la plus intime, Angel Crespo -dont le prénom ne semble pas tombé là par hasard- fait partie de ces auteurs d’une culture et d’une ferveur qui imprègnent leurs poèmes.
Ciselés dans l’air, éclairés dans leurs corps d’ombre par une lumière qui s’apparente au souffle du divin, les poèmes de Crespo apparaissent dans un climat d’une fragilité confiante, tantôt témoignant de l’existence d’un homme (« J’ai toujours eu peur, ô déesse/ de dire trop, jamais de dire peu ») qui apparente les formes d’une présence à celle de divinités toujours en vie, tantôt se nommant dans leur matière même : « Les poèmes viennent à l’obscurité/ comme des nuées d’oiseaux/ comblées de plumes et de becs/ qui se posent sur mes épaules// et les submergent sous des vagues d’ailes ».
Ces apparitions magiques deviennent les éléments d’une réalité qui dépasse le cadre de la contemplation pour s’enraciner dans le réel. L’émerveillement d’être, de voir, de sentir, guide ce recueil.
Le poème s’apprécie alors comme un office qui ne célèbre rien d’autre que des vérités émanant du monde en un émouvant et imperturbable cortège. Le vers « Le corps d’une déesse/ surgit de cet air de flûte » qui commence la treizième des Théophanies vaut bien un manifeste à lui seul et prouve bien que la poésie la plus subtile et la plus ancrée dans une exploitation sensuelle du langage est aussi de la musique. « Comment dire ce que je vois si clairement ? » écrit quelques lignes plus loin Angel Crespo. Ici, apparition, matière du poème, langage et musique se fondent et le sens du poème apparaît non pas dans une quelconque explicitation du propos mais bien dans un abandon du lecteur à cette musicalité, un abandon semblable à celui du poète devant l’apparition.
La beauté de ce vers inclut aussi, et c’est là tout le bonheur de cette lecture, que la poésie est un éternel prélude, une succession de naissances. Éloge de l’instant, la poésie de Crespo, traduit remarquablement par Jean-Pierre Colombi, est donc aussi un éloge de l’éternité. Ces vers scintillent comme d’antiques colonnes de marbre sur lesquelles le temps est sans pouvoir. Le futur -et les angoisses qu’il génère chez le poète qui avoue écrire « entre de hautes négations » - existe mais ces négations sont hautes « comme la grâce d’un amour ». De ces images liquides, qui s’animent comme des minéraux en fusion, on retient le serpentement parmi la douleur du monde, sinuosités sensuelles qui ont la vertu des plus fraternels enseignements.

D’un air de flûte Par Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°22 , janvier 1998.