Disparu il y a quelques mois à peine, l’Italien Bruno Munari, né en 1907, aura traversé le siècle et laisser son nom aussi bien au panthéon des graphistes qu’à celui des illustrateurs de livres jeunesse. Ancien membre du deuxième mouvement futuriste, l’artiste aime travailler sur les matières pauvres et, dès 1930, il se fait l’inventeur de drôles machines. En 1948, il crée le mouvement Art Concret qui veut intégrer l’art à la vie quotidienne.
Les Machines de Munari n’appartiennent à aucun genre : construit comme un album, l’ouvrage peut titiller l’envie de découverte des plus jeunes mais la complexité loufoque des machines ravira tous les lecteurs.
Car il s’agit bien, ici, de nous montrer d’étranges mécaniques. Sur chaque page paire, une description de la machine donne l’explication du dessin schématique en vis-à-vis. En dessous, quelques notes drolatiques ne renvoient, souvent, qu’à elles-mêmes. Qu’il s’agisse de la Machine à jouer du fifre même quand on n’est pas chez soi ou du Moteur à lézard pour tortues fatiguées ce sont une quinzaine de mécaniques à détendre les zygomatiques. Loufoques, absurdes et ludiques, ces inventions mêlent le génie tarabiscoté d’un bricoleur à une liberté d’humoriste qui fait de lui un aïeul de Pierre Desproges.
Le lecteur très malin et très bricoleur serait assez prétentieux s’il pensait pouvoir réaliser les machines décrites. Ainsi, le Minuteur de cuisson pour œuf dur n’est pas aussi simple à construire que son titre pourrait le laisser penser. Il faut déjà disposer d’un « œuf rouge », se lever « dès potron-miner », obtenir la collaboration des « tortues siamoises Annetta et Luciana » et de « l’escargot Mario Lumego de Monselice » dont Munari nous donne l’adresse « 247,4, avenue Maria Marianna ». Avouez que pour se faire un cuire un œuf, le temps de préparation excède de beaucoup celui de la cuisson. De même, et c’est bien le seul reproche à faire à ce livre, il ne nous est guère facile de trouver les matériaux requis pour la bonne réalistion des machines comme « le bicarbonate de châtaignes » ou « le vrai faux café artificiel » qu’on se procure « en envoyant le sosie d’un faussaire acheter chez un épicier mobilisé et remplacé par un parent originaire de Toscane quelques milligrammes de colorant synthétique que vous mélangerez à un litre d’eau minérale après vous être accroché au menton une fausse barbe ». Vous devriez avoir plus de facilités à vous procurer ce livre…
Les Machines de Munari
Céra-nrs Editions
36 pages, 119 francs
Arts et lettres Suivez le mode d’emploi
janvier 1999 | Le Matricule des Anges n°25
| par
Thierry Guichard
Un livre
Suivez le mode d’emploi
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Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°25
, janvier 1999.