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Domaine étranger Tout ce qui nous sépare

janvier 1999 | Le Matricule des Anges n°25 | par Benoît Broyart

Dans Nos Adieux, le Canadien Timothy Findley fait à nouveau de l’isolement le centre de l’existence humaine. Un cri muet entre guerre et folie.

Les familiers de Timothy Findley, dont c’est le neuvième roman et le cinquième traduit en français, ne seront pas surpris. Nos Adieux contient tous les thèmes chers à l’écrivain. Une fois encore, la guerre, la famille et la folie forment le triptyque propice à la solitude chère au Canadien anglophone.
Mi épouse Graeme Forbes, jeune bourgeois de l’Ontario. La Seconde Guerre mondiale se profile. Forbes décide de s’engager dans le conflit. Le mécanisme de destruction est enclenché. Le ménage va se disloquer peu à peu. Le couple est séparé. Mi élève le jeune Matthew pendant que Graeme participe à un conflit sans combat. Retenu sur une base aérienne, inactif, l’homme s’éloigne progressivement de sa vie familiale.
On entre dans ce roman par une boîte à chaussures remplie de photos, trouvée au marché aux puces. Elle contient toute la vie des Forbes. Le procédé narratif manque d’originalité, mais l’écrivain sait le rendre efficace. Le lecteur s’y laisse prendre facilement, s’attarde comme Findley sur ces corps immobiles qui deviendront bientôt le matériau de l’histoire. Ces fragments contiennent déjà le signe d’une fêlure. Elle ira en s’élargissant.
Il y a chez Findley une obsession de l’image figée. Les photos traversent Nos Adieux de part en part. Les morts de la famille trônent tous sur la cheminée, dans de petits cadres. Matthew reste fasciné par des images représentant son père adolescent : « Graeme lui paraissait incroyablement jeune, les pieds écartés dans ses chaussures à crampons, un bras le long du corps, l’autre serrant le ballon tel le centre du monde autour duquel gravitaient ses coéquipiers. » La photo apporte une dimension visuelle à la psychologie des personnages, souvent trouble, impossible à déceler dans le mouvement. Figé, le visage semble se livrer plus facilement en effet. La communication est toujours plus aisée avec ce qui n’est plus. Elle comporte moins de risques.
Chaque personnage semble clos sur lui-même. Le monde de Findley est un univers d’autistes. L’humain déborde de sensibilité mais il lui est impossible de la transmettre. La folie émerge à cet instant-là, lorsque l’intériorité pousse trop fort pour sortir.
Durant le premier conflit mondial, une partie de la famille Forbes est morte en vol. Logiquement, Graeme s’engagera dans les forces aériennes. De sa base, il ne distingue rien. En pénétrant dans la guerre, Graeme devient un fantôme déjà, identique aux membres disparus trônant sur la cheminée : « Son père attendait quelque part au milieu de tout ça, caché, même pas mentionné. C’était comme s’ils venaient d’arriver dans un pays étranger où Graeme n’existait pas, où l’on n’avait jamais entendu parler de lui. Où il était mort. » La guerre, même lorsqu’elle est immobile, absorbe définitivement. Son absurdité ne laisse aucune échappatoire.
Timothy Findley ne décrit presque jamais l’extérieur. L’écrivain, en humaniste, s’attache à l’être, à sa souffrance. Ainsi l’italique parcourt-elle le roman entier. Par fines touches, elle matérialise la voix intérieure, ce flot de paroles prononcées pour nous-mêmes, impossible à partager. Tous ces mots forment un cri muet, rentré. Le plus poignant reste la pensée de l’enfant. L’écrivain avait déjà utilisé dans d’autres textes cette possibilité de regard naïf et froid. Matthew ne juge pas. Il se contente toujours d’observer sans comprendre.
Si ce roman est moins déroutant que ne l’était son Chasseur de têtes, il peut être une belle introduction à son œuvre déjà importante. Le romancier atteint son but. Il écrit parfaitement la solitude de nos corps.

Nos Adieux
Timothy Findley

Traduit de l’anglais (Canada)
par Isabelle Maillet
Le Serpent à plumes
302 pages, 129 FF

Tout ce qui nous sépare Par Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°25 , janvier 1999.
LMDA PDF n°25
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