Pour son sixième roman, Marie Nimier joue au jeu de l’amour et du hasard. Ce dernier pouvant mener à tout, y compris au mystérieux assassinat d’une écrivain, aux persécutions impénétrables d’un homme maigre, aux secrets inavouables d’un cabas vert, au masque égyptien d’une prof de gym, ou à un petit garçon qui tient de l’arlésienne. Domino titre l’ouvrage, et il serait bon d’y mettre un pluriel. Car rarement un roman sut si bien décliner toute la polysémie d’un mot. Du squelette à sa chair, tout n’est, effectivement, que dominos. Et de squelette et de chair il est cas, puisque Marie Nimier mêle avec une dextérité indéniable polar et sensualité. Premier jeton posé : la narratrice, Domino la bien nommée. Témoin malgré elle du meurtre de Catherine Claire, romancière aux écrits sibyllins, elle va s’investir avec fougue dans cette ténébreuse affaire, afin d’innocenter Sylvio, son amant. Pour se faire, elle apprendra au fil des expériences à masquer sa peur et ses émois, s’emmitouflant d’un symbolique « domino ». Mais ces infimes clins d’œil ne sont rien, comparés aux diaboliques agencements narratifs et stylistiques mis en branle, dès les premières pages. Domino est en place. Que la partie commence. A vingt-huit pièces, vingt-huit chapitres. Deux couleurs, deux histoires, mais aussi deux tons distincts. Le blanc émaillé pour la trame amoureuse, pour le pur, l’exalté. Le fond blanc du domino pour l’amour de Domino, pour le « tu » intimiste, poétique : « Tes mains sont des pays qu’habitent les caresses, jamais je n’ai aimé, jamais je n’ai connu, tu es le premier à me donner l’espoir, à me donner l’envie ». Car c’est sur fond d’histoire d’amour que la trame se déroule. Les petits pois noirs, surgissant à peine ou en force, sont à l’image des miasmes morbides qui peuplent le passé de Sylvio, et ternissent le quotidien de leurs menaces. De ces points que Domino rêve justement d’éclaircir. Le noir confine Sylvio au « il », le renvoie à sa simple place de pion sur l’échiquier du drame. L’enquêt
Domino
Marie Nimier
Gallimard
188 pages, 95 FF
Domaine français Anatomie d’un jeu
janvier 1999 | Le Matricule des Anges n°25
| par
Nathalie Dalain
Un livre
Anatomie d’un jeu
Par
Nathalie Dalain
Le Matricule des Anges n°25
, janvier 1999.