Issu des avant-gardes des années 1970 – il obtiendra le prix Fénéon pour L’Écrit fait masse (Flammarion, 1976) –, Michel Falempin construit une œuvre qui refuse tout compromis avec la facilité, et qui s’inscrit dans une sorte de littérature décalée, bien loin des canons d’époque.
L’essentiel de cette Fiction lente reste, du début à la fin, « un coin de campagne », dans lequel serpente une route ordinaire, mais qui manque pourtant « à la promesse de se faire oublier ». Devant ce paysage champêtre, l’esprit du narrateur vagabonde et se laisse emporter par ses rêves.
Sans doute conviendrait-il de multiplier les lectures pour saisir le fil (plutôt ténu) de ses vagabondages, suivre Falempin dans les circonvolutions d’une pensée toujours prête à prendre la clé des champs, et pénétrer vraiment dans l’intimité d’une flânerie qui délivre tardivement sa manière : « l’esprit n’avait rien fait d’autre que de suivre sa pente que représentait au mieux, et comme par courtoisie, celle, plutôt douce en l’espèce, du terrain : car il ne s’exerce jamais mieux ni ne devient plus sensible que quand il se perd » (nous en sommes à la page 85, et la promenade s’achèvera bientôt). Comme si le style se devait de suivre les accidents du terrain, l’écriture, d’une extrême densité, ici se cabre, se disloque, se fragmente, se ramifie (de détours en digressions), dans une langue d’une facture très classique qui paraît avoir hérité de Mallarmé et du Leiris d’Aurora.
Rarement un texte aura aussi bien porté son titre : cette fiction-là, qui fait de la lenteur sa matière même, progresse ainsi que des méandres, s’étirant avec nonchalance (celle du gourmet, accoutumé aux dégustations lentes). Une telle lenteur exige de la patience, de l’opiniâtreté, donc une lecture studieuse, bien loin de la seule détente.
Fiction lente, de Michel Falempin
Ivréa (1, place Paul-Painlevé 75 005 Paris)
119 pages, 80 FF
Domaine français Un théâtre de verdure
août 1999 | Le Matricule des Anges n°27
| par
Didier Garcia
Un livre
Un théâtre de verdure
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°27
, août 1999.