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Premiers romans Prière de ne pas insérer

janvier 2000 | Le Matricule des Anges n°29 | par Pierre Hild

Par un excès lyrique débordant, Bertrand Leclair cherche à prendre de vitesse la lourdeur des ordinaires castrateurs. Tentative ambitieuse.

Fleuve de mots, fleuve en crue qui emporte les digues« ,  »crue des fleuves qui détruisent les rives pour dégager la vie nouvelle« . Ce qui tient de la volonté programmatique et se révèle constat à la lecture nous aura prévenus mais pas épargnés. Entrer dans le corps et les passions du texte de Bertrand Leclair -à corps perdu pour dire le corps retrouvé-, c’est accepter pour »trame« l’excès, l’énorme, l’hors-norme, et le rapport créateur que ceux-ci instaurent (ou restaurent) avec la langue. Fils, filiations, ficelles : le texte en regorge pour mieux les faire dégorger ou rendre gorge. S’arrêter à l’un d’eux, marquer là l’imprécatoire répétitif, réduire ici le tout à un discours dominant, même crypté, en appeler à une communauté -derrière Joyce, Bataille, leurs ombres…- serait aller contre les dimensions évolutives d’un texte, ses insaisissables, qui tente  »d’être à la mesure de ce qui n’a pas de centre« , incessamment.
Quelques fils, tout de même, pour dire vite ce qu’une lecture à la cravache charrie. Soit un personnage (Madère) qui doit donner une conférence sur le thème de la réinsertion (la sienne). Un autre (une voix, en fait) qui parasite cette conférence et tente de dérober la parole convenue et convenable du premier pour dire, en crue, un tourbillon d’expériences et considérations débridées, désirantes, inconciliables avec le prêt-à-penser socialement correct (et attendu par le public) de la réinsertion. Mais qui parle (et à quel moment) ? Est-ce Movi Sévaze, Madère qui le rattrape, l’auteur en entre-deux ? Et de quoi parle-t-on ? Est-ce une simple (et virulente) charge politique dénonçant les conventions opprimantes de la société ? Des salves métaphysiques sur l’Être, l’autre, l’altérité et ses aliénations ? Un discours sur le corps et ses forces désirantes ? Une parabole sur la littérature (par un jeu onomastique littérature se transcrit Movi Sévaze) et la langue ?
De tout cela un peu, beaucoup, mais qui, analysé plus avant, pourrait figer un texte dont le vif revendiqué repousse tout discours.  »L’effort que je fais pour aller prendre les phrases et les lancer dans le futur, c’est un peu comme nous maintenir en l’air pendant que la mort passe sur la terre« . Il y a, à l’instar de cette citation de Felisberto Hernandez placée en exergue, comme un coup de dés du texte qui s’épanche avant que ceux-ci ne retombent et le chiffrent. On reconnaît aussi, dans ce corps-à-corps, qui s’inscrit dans et contre le temps, l’impression maîtresse diffusée par le texte : une sensation de lutte continuelle. La lutte de la langue contre le discours figé. La lutte pour faire surgir le réel (et sa part onirique) au creux de la réalité donnée comme castratrice. Le  »luth«  d’un lyrisme revendiqué -loin des standards romantiques- pour sa part drue, passionnelle, ne craignant pas le ridicule que l’on trouve, si souvent,  »à un jet de pierre du sublime". Un texte -plus soucieux de la tentative que de la réussite- qui tiendra, initialement, pour le lecteur, du saut en parachute. Avant d’entrer, pour y rentrer, juger si l’on est prêt à perdre pied pour en ressentir les tourbillonnants tourments et les fusionnelles passions : alors, avec paradoxe, la chute pourrait se révéler ascensionnelle.

Movi Sévaze
Bertrand Leclair

Verticales
110 pages, 98 FF

Prière de ne pas insérer Par Pierre Hild
Le Matricule des Anges n°29 , janvier 2000.