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Poésie Huile ta vie

mars 2000 | Le Matricule des Anges n°30 | par Xavier Person

Jean-Michel Espitallier s’est amusé à écrire un livre de poésie huileuse entre opéra bouffe et comédie de boulevard. Joyeusement déjanté.

Chanter à la lecture d’un livre de poésie contemporaine. Se lancer assez haut dans l’aigu. Soudain n’y tenant plus, tel le soldat Robert, qui n’aura fait que passer par là, débarqué sur la scène loufoque du livre pour y pousser la chansonnette, entrer dans le délire ubuesque de la poésie de Jean-Michel Espitallier. Lire ce texte comme l’étonnante partition d’un drôle d’opéra bouffe, comédie de boulevard aussi bien, chapitre posthume de quelque roman imaginé par un Raymond Roussel halluciné, fragment dadaïste et boute-en-train de quelque livre impossible, rêve possible d’un improbable poète sonore…
Gasoil, deuxième1 livre de l’auteur, se lit dans un sentiment de bonheur croissant. Une ivresse libératrice s’y propage, dans une sorte de dérapage de la langue qui progressivement décolle, coupée de toute stricte logique de signification, légère, terriblement légère.
Gasoil contient notamment quelques indications sur la dissolution du chlorure de zinc, sur la saveur des haricots, sur la guerre toujours menaçante, sur les étranges instruments de Monsieur Pinchon, sur l’inquiétude d’un grand nombre de personnes (la liste est longue), sur différentes autres machines mises au point par Monsieur Collier (un ixomètre, un aréomètre thermique, un cervisiomètre, etc.), sur la vie mouvementée de Monsieur Davidson qui, après avoir envahi la Tunisie, attaqua la Gambie, l’Andalousie, inonda le département du Nord, prit l’Épire, etc.
Gasoil ne tient peut-être en fait que dans le « etc ». Qu’il s’agisse des aventures du dit Monsieur Davidson, de l’énumération des différents types d’huile existants ou supposés tels -« c’est l’huile de colza, d’amandes, de citrouille, c’est l’huile de phoque, huile de tef cendré, etc. »- ou des nombreuses inventions de chercheurs quelques peu fantaisistes, c’est toujours la joie de l’énumération, litanie peu sérieuse, qui dans la superposition affolée de ses parties, nous entraîne sur le ton de la comptine en une sorte de « chant de la terre » azimuté.
Gasoil ne se contient pas, déborde de partout. Rédigé à partir d’une Encyclopédie de Huiles datant de 1902, le livre se rêve une matérialité huileuse : s’y écoulent les phrases en tous sens, y tourne le sens sur lui-même, y dysfonctionne à merveille la mécanique du texte. Faire tache d’huile ? S’en remettre à l’énergie d’une écriture apte à subvertir tout ce qu’elle avance, tout ce sur quoi elle s’avance, entraînant tout dans sa souple fluidité, sa confortable évanescence. Jeux typographiques, gravures, distorsions formalistes de l’écriture ou parodies d’exposés scientifiques : c’est bien d’une prolifération joueuse qu’il s’agit.
Gasoil est comme l’huile, il glisse. Les étranges machines qui y sont décrites n’épurent que la matière du pur néant qui s’offre à la page. Purifier le néant. En faire matière ductile, lumineuse. Métamorphoser le néant en plus que lui-même. Faire n’importe quoi.
Gasoil est un livre somptueusement hilarant. C’est également un très efficace livre de combat. Combat contre l’esprit de sérieux qui nous mine, contre l’inquiétude qui gâche nos vies, contre la quête du sens qui parfois bloque nos rouages, contre tout ce qui manque d’huile (et qui donc sent le vinaigre).

1 Ponts de frappe a été publié chez Fourbis en 1995.

Gasoil
Jean-Michel Espitallier

Flammarion
111 pages, 89 FF

Huile ta vie Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°30 , mars 2000.