L’univers dans lequel se déploient les personnages de Yasushi Inoué ancre ses racines dans une tradition et une culture qu’il nous est possible d’appréhender intellectuellement, mais difficile de sentir. Pourtant, par la grâce d’une écriture dont le lyrisme n’exclut pas la sobriété, ces deux ouvrages entraînent rapidement le lecteur en quête de la nature cachée d’un monde où la tragédie se dévoile entre les mots de la passion et les gestes des rituels.
À travers les lettres de trois femmes -une épouse délaissée, une maîtresse détruite par le péché qui la conduit au suicide et sa fille, habitée par la peine-, Le Fusil de chasse peint le déroulement d’une passion et esquisse la figure équivoque d’un homme mélancolique. Le jeu subtil des points de vue nous confronte à la trouble essence d’une vérité finalement insaisissable, tant chaque regard, pourtant juste dans sa vision et sa pesée, s’oppose nettement aux autres.
Dans le Japon du XVIe siècle, un maître de thé se suicide sur ordre de son seigneur. Pendant quarante années, l’un de ses disciples interroge les paroles d’autres maîtres et les visions de ses rêves pour comprendre le mystère de cet ordre si sereinement accepté. Les cérémonies du thé, avec leurs styles, leurs ustensiles et leurs gestes, ponctuent un récit qui se transforme peu à peu en voyage initiatique. Ici également, la vérité ne sera dévoilée au lecteur qu’en fonction de ce qu’il saisira des implications symboliques d’une cérémonie qui condense et résume, à chaque instant, l’expérience de la mort.
Yasushi Inoué
Le Fusil de chasse
Traduit du japonais
par Sadamichi Yokoö,
Sanford Goldstein et Gisèle Bernier
Stock
Le Maître de thé
Traduit du japonais
par Tadahiro Oku et
Anna Guerineau
Le Livre de Poche
106 et 158 pages, 50 et 30 FF
Domaine étranger Les chemins de la vérité
mars 2000 | Le Matricule des Anges n°30
| par
Jérôme Pellissier
Des livres
Les chemins de la vérité
Par
Jérôme Pellissier
Le Matricule des Anges n°30
, mars 2000.