Si Shakespeare et La Fontaine pouvaient lire William Pig, ils s’amuseraient sans doute de cette pièce qui fait se croiser leurs deux univers de façon très fantaisiste. « C’est l’histoire d’un petit cochon qui parlait comme un être humain, et même mieux que les êtres humains. Parce qu’il croyait que le langage des hommes servait à cela : dire l’humanité, maintenir l’humanité entre les êtres dits humains. Un jour, il ouvrit sa bouche humaine, surmontée de son petit groin de cochon, et il en sortit immédiatement un flot de perles, de fleurs et de pierres précieuses. Et chacun demeura interdit à ce spectacle… »
La pièce de Christine Blondel peut se lire comme une fable, une métaphore sur le pouvoir, sur notre société malade de sa consommation et sur la part animale de l’homme. L’écrivain pousse à l’extrême cette idée : nous sommes ce que nous ingérons, que la nourriture consommée soit matérielle, intellectuelle ou spirituelle. Ainsi un cochon affamé, après avoir ingurgité le « tout-Shakespeare-relié-pleine-peau » devient plus humain que les personnages de la pièce, à qui poussent progressivement cornes et sabots. William Pig, ce « mutant littéraire et néanmoins porcin » va être récupéré par un parti politique car il manie le verbe à merveille. Croyant pouvoir changer le monde, il fait campagne, est élu Premier ministre, et finira assassiné, le pouvoir et l’utopiste ne faisant pas bon ménage… William Pig foisonne de vitalité, d’humour et de surprises. Le lecteur passe de la psychanalyse d’un cochon à un procès grotesque pour usurpation d’humanité, à un duel à l’épée…
Cette pièce appelle le plaisir et l’invention du jeu, entre autres le jeu de masques qui s’arrachent ou se greffent, pour mieux raconter l’homme d’aujourd’hui.
William Pig, le Cochon
qui avait lu Shakespeare
Christine Blondel
Éditions Théâtrales
66 pages, 80 FF
Théâtre Un cochon shakespearien
juillet 2000 | Le Matricule des Anges n°31
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Un cochon shakespearien
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°31
, juillet 2000.