Anthologie de la poésie française du XXe siècle II

Depuis les anthologies de Léautaud ou Georges Walsh, l’édition française n’a pas consenti souvent à la poésie un vade-mecum aussi accessible que l’Anthologie de la poésie française du XXe siècle. Elle se compose aujourd’hui de deux volumes bedonnants au format de poche -pour la poche, prévoyez large et solide. Le premier florilège composé par l’universitaire Michel Décaudin, spécialiste d’Apollinaire, avait paru en 1983. Il était consacré à la création poétique des années 1890-1940. Réimprimé à l’occasion de la publication par Jean- Baptiste Para de son complément, il a été actualisé et l’on a pu noter avec plaisir l’intégration de Louis Brauquier, Victor Serge et Malcolm de Chazal -la prochaine édition offrira sans doute une petite place à Ilarie Voronca, Gustave Roud ou Benjamin Fondane.
La nouveauté réside donc dans le volume numéro 385 de la collection Poésie Gallimard. OEcuménique plutôt qu’encyclopédique, le travail de Jean- Baptiste Para est probe, sans tape-àl’oeil ni mauvaise foi. Surtout, il réserve un sacré nombre de découvertes (Rina Lesnier, Richard Rognet, L.-G. Damas, Jean-Pierre Colombi, etc.) de surprises et de retrouvailles (Pieyre de Mandiargues, A. Toursky ou les récemment disparus R. Belamri, J.- M. Le Sidaner, C. Guez-Ricord). Son concepteur a su chausser la loupe de l’entomologiste et la lunette du cosmographe pour traquer le poète né entre 1907 -André Frénaud ouvre le feu avec La Commune de Paris, un symbole pour le secrétaire d’Europe, revue fondée en 1923 par Romain Rolland, Charles Vildrac et Pierre Jean Jouve- et 1947, date à laquelle paraissait le bébé Valère Novarina.
Cette anthologie est un colosse de papier. On imagine mal la somme de lectures qu’il a engloutie, le travail faramineux d’évaluations épineuses (Edmond Humeau refusé par l’éditeur, Hubert Juin pour excès de pagination, etc.). Ce sera désormais un meuble des bibliothèques qui se respectent. Avec ces sept cents pages qui illustrent cent quatre-vingt-six poètes français, belges, suisses et québécois, “le Para” est appelé à devenir un outil de référence, un usuel destiné à se frotter aux prochaines générations qui y trouveront après nous de quoi lire longtemps, de quoi rêver beaucoup.
Éric Dussert
Anthologie de la poésie française du XXe siècle
T.1 : choix de Michel Décaudin
T.2 : choix de Jean-Baptiste Para
Gallimard, 574 et 680 pages, 47 et 51 FF