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Domaine français L’enfance réinventée

septembre 2000 | Le Matricule des Anges n°32 | par Thierry Guichard

Avec un art consommé du récit, Yves Bichet mêle aux souvenirs une part d’invention. L’enfance s’en trouve auréolée d’un mystère ancestral.

Les Terres froides

À l’origine, ce livre-là devait paraître chez Gallimard dans la collection Haute-Enfance. Mais, comme Fayard s’est donné mission de publier le romancier Yves Bichet, Les Terres froides a rejoint la famille de Le Nocher paru au début de l’année. Cette précision a son importance : la collection Haute-Enfance regroupe des textes sur l’enfance de ses auteurs. Textes morcelés comme le sont les souvenirs, récits menés à la première personne où s’explore une réalité plus qu’une fiction. C’est donc un ouvrage de commande qu’a écrit Yves Bichet. Et la contrainte résidait alors dans l’obligation faite de la confession. Or, on le sait, l’écriture, la nécessité de se confronter chaque jour au langage et à la page blanche, trouve son origine dans l’enfance, un épisode particulier ou toute une période de la vie familiale. Quelque chose, là, gît. Un secret mal digéré, une faille dans le réel qu’il convient par la fiction de combler.
De quel secret, ce livre est-il l’ombre ? Yves Bichet évoque la froidure de ces terres où il est né et où « lorsque l’hiver est si rude, on préfère s’aimer à la maison, retrouver les cousins-cousines, les oncles et tantes, les bâtards. » D’où quelques traces génétiques, comme ces pieds palmés qui touchent une génération sur deux. Et le narrateur, justement, dissimule dans ses chaussures « quelques orteils bizarres, plus ou moins palmés ». Vrai ou faux ? La question reviendra souvent, minant le récit, lui offrant des fondations bien fragiles.
Les Terres froides débute par un magnifique portrait : celui d’un couple de chasseurs de serpents, aux odeurs fortes, à la sauvagerie inquiétante, à la sexualité étrange. L’enfant, face à eux est interdit. Nous sommes en Isère, « au beau milieu des bouses de vaches, de milliers de petits champignons de prairies. Rosés-des-prés, vesses-de-loup, tous d’un blanc mat, rondelet, putrescible qui n’évoque guère les fleurs ni les fruits, mais déjà leur contraire : le poussiéreux, le digéré. » Bichet excelle à nous faire sentir cette nature, cette matière. L’enfant se confronte aussi à une institutrice tortionnaire qu’il est un devoir de tromper, à une famille algérienne avec laquelle il chasse les salamandres, créatures du diable. Apprentissage de la vie, une fronde à la main pour abattre les vitrines, apprentissage de la monstruosité à la foire où l’attendent la femme-tronc et les siamois dans leur bocal. Le monde exige des épreuves.
Et c’en est une, encore, de devoir les raconter. Plus d’une fois l’écrivain revient sur ce qu’il nomme « la peur de la fiction », faisant dévier le récit vers un art poétique en rupture de ban avec l’autobiographie : « c’est au bistrot qu’on trouve encore des chevaliers pour raconter leurs histoires. Ailleurs, ce ne sont que des témoins. Et les témoins n’ont pas grand-chose à dire, sinon leur ordinaire pleurnichard, un ordinaire télévisé, si possible, de sorte que chacun s’y reconnaisse et s’y sente bien. » Au mitan du livre, la mort d’Antoine, le meilleur copain, sonne la fin de l’enfance et la prose se fige, muette, lorsqu’il s’agit de regarder en face le corps de l’adolescent. Reste alors le poème inséré là pour souligner l’impossibilité de la confession.
Les Terres froides sont gardées par huit chevaliers enterrés debout et baignées par un lac au fond duquel gît la trace d’une civilisation disparue. Ces présences renforcent le sentiment qu’entre la fiction et le récit, une part ineffable de secret demeure. Pour longtemps.

Les Terres froides
Yves Bichet

Fayard
187 pages, 79 FF

L’enfance réinventée Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°32 , septembre 2000.
LMDA PDF n°32
4,00