Le deuxième roman de Tiphaine Samoyault est fait d’aller-retour. De l’amour qui lie Garance et Merlin le reporter, de vingt ans son aîné, on remonte régulièrement à Mai 68 : Garance (comme l’auteur, prend soin de préciser la quatrième de couverture) est née au lendemain des événements auxquels Merlin participa. L’œuvre n’est pas qu’érudite. Certes, il y a la manie des références, Mallarmé d’emblée, Baudelaire en sous-titres, une guirlande de scènes de première rencontre en forme de groupement de textes, mais il y a aussi des évocations réussies, comme celles des ferveurs manifestantes : « ce que nous offriront la défonce et l’alcool n’aura jamais aucune mesure avec ce qu’on lit dans ce feu, dans ces coups de matraque qu’on cherche à éviter mais on reçoit des coups quand même, (…) on trahit un corps pour aimer tous les autres. »
Plus embarrassante est cette fiction qui s’amorce pour disparaître aussitôt derrière des écrans de fumée. Garance « pouvait bien avoir des aventures en plus de l’aventure, le problème, c’est que l’auteur n’arrive pas à lui en inventer une » : on peut le regretter, car manque la forme ou l’affabulation qui aurait permis de donner cohérence et assise à la Météorologie du rêve. Le jeu de société Mai 68 -« coincés entre le jeu de l’oie et le Monopoly, vous devenez capitalistes en même temps que vous faites la révolution »-, trouvaille amusante, est vite laissé de côté ; l’idée des chapitres conçus comme les diverses combinaisons de deux dés -composant alors « une histoire variable comme le temps changeant »- ne donne rien de convaincant. Le lecteur se résigne finalement à ce que son plaisir, comme le roman, reste une savante virtualité.
Météorologie du rêve
Tiphaine Samoyault
Seuil
152 pages, 78 FF
Domaine français Avis de roman
septembre 2000 | Le Matricule des Anges n°32
| par
Gilles Magniont
Un livre
Avis de roman
Par
Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°32
, septembre 2000.