Fernando Krapp m’a écrit cette lettre, nouvelle pièce traduite en français de l’Allemand Tankred Dorst, a toute l’apparence d’un drame bourgeois. Du moins est-ce ainsi que la pièce démarre et de manière assez cinglante. Quelque part dans une ville d’Europe, à une époque indéterminée -mais où le titre de « comte » a encore cours- une jeune fille reçoit une lettre : « on m’a dit que vous étiez la plus belle femme de cette ville où je suis venu me fixer depuis peu. Je suis allé vous regarder pendant que vous vous promeniez dans le parc avec votre père. C’est exact. Vous êtes la plus belle et je vais vous épouser ». La missive est signée d’un certain Fernando Krapp, tout juste revenu d’Amérique nanti d’une immense fortune. Et le père de la jeune Julia est ruiné. Les choses sont claires : ce mariage est affaire d’argent. La pièce multiplie les points de vue, tissant illusions et faux-semblants jusque dans le hors-scène avec une géniale complexité. Les scènes se contredisent les unes après les autres, il n’y a plus de repères objectifs auxquels le lecteur peut se rattacher. Les didascalies elles-mêmes sont prises en charge par les personnages et deviennent ainsi subjectives. À mesure que l’on relit la pièce, ce que l’on tenait pour vrai se brouille, ce qui ouvre une très large palette d’interprétations. Tout au long de son œuvre, Tankred Dorst a puisé à de nombreux styles comme les masques, la pantomime, les paraboles brechtiennes ou le théâtre d’ombre. Inspiré ici de Miguel de Unamuno, Dorst considère sa pièce comme un essai sur la vérité. Insaisissable, elle entraîne les personnages jusque dans la folie et la mort.
Fernando Krapp m’a écrit
cette lettre
Tankred Dorst
Traduit de l’allemand par
Bernard Lortholary
Éditions de l’Arche
80 pages, 55 FF
Théâtre « Je vais vous épouser »
janvier 2001 | Le Matricule des Anges n°33
| par
Maïa Bouteillet
Un livre
« Je vais vous épouser »
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°33
, janvier 2001.