Comme dans son précédent récit, L’Heure exquise (Lmda n°25), Dominique Barbéris règle son pas sur celui de l’enfant. Aussi Le Temps des Dieux est-il empreint de nostalgie, car la petite fille qui grandit au centre du texte se dirige vers un drame irrémédiable. Bientôt, elle devra renoncer à l’innocence, au caractère lisse des choses. Une écorchure suffit déjà à déclencher sa peur : « Mais elle avait beaucoup de mal à comprendre qu’il y eût une si grande différence entre l’extérieur de son corps, qui était long et pâle (…), et l’intérieur, si obscur et si rouge. »
L’écrivain parvient à rendre les couleurs et les odeurs avec une précision étonnante. La lumière et ses variations, comme dans L’Heure exquise, servent de fil conducteur à l’ensemble. On pourrait ici parler de pointillisme en littérature, à l’image d’une toile de Seurat, car il existe chez Dominique Barbéris une obsession de la lumière et de son pouvoir sur l’humain. Tout est fragmenté ici, détaillé en touches délicates : « Cinq heures du soir, à Auderghem, rue Émile-Lebon. La lumière, surtout lorsqu’il y en a si peu, descend vite. Surtout lorsqu’elle est aussi mesurée. L’ombre sent vaguement la fumée ; on ne voit plus très nettement les choses autour de soi. » L’impression est d’autant plus forte que la vérité surgit du détail, d’observations faites à la loupe : « Tout était gai, dans les années soixante. Il y avait au mur des classes ces cartes du relief où la mer est représentée en bleu, les plissements hercyniens en orange. Les tableaux noirs avaient été remplacés par des tableaux verts. » La force de l’écriture de Dominique Barbéris tient tout entière dans l’image, dans la charge émotionnelle que l’écrivain y dépose.
Le Temps des Dieux
Dominique Barbéris
L’Arpenteur
162 pages, 85 FF
Domaine français Paradis perdu
janvier 2001 | Le Matricule des Anges n°33
| par
Benoît Broyart
Un livre
Paradis perdu
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°33
, janvier 2001.