Que l’on ne soit pas du genre à s’attendrir à la vue du premier cabot n’empêchera nullement de se délecter en lisant Les Larmes d’Ulysse.
Cette suite de textes est si savamment composée que, malgré ses transitions nombreuses et ses ruptures parfois abruptes, elle semble à tout moment spontanée, comme naturelle.
Nous approchons le braque de Roger Grenier, l’auteur et nombre de ses amis écrivains : Camus, mais aussi Romain Gary, Jacques Brenner… Souvent plusieurs rencontres par page. Chacun est saisi en quelques mots ou en quelques pages face à son chien ou face à celui de Grenier. L’auteur semble vouloir saisir la singularité de toute personne dans le contact avec un animal. Une part de la vie infra-langagière se jouerait là mieux que nulle part ailleurs. Grenier aime ces bêtes, il lui plaît que ses amis les regardent, les caressent, leur parlent. Ce qui est vrai pour ses amis l’est aussi, d’une autre façon, pour les écrivains qu’il affectionne et pour quelques personnages historiques.
L’anthologie littéraire -histoires et courtes citations- constitue un bestiaire original d’une érudition impressionnante sans être pédante. Le lecteur appréciera la qualité de la présentation de ses écrivains préférés. Même la façon dont Thomas Bernhard est jugé « au mieux de sa forme » avec deux courts passages sur le chien à l’image de son maître est convaincante.
La densité de ce livre est aussi belle qu’on privilégie le regard sur les chiens, l’histoire littéraire ou l’autobiographie. Qu’est-ce qui attache un humain à un animal, à un chien ? La part de silence, l’amitié sans brouille, l’amour sans désir, où aucune attente ne risque d’être déçue. Cet attachement procède du temps passé en sa compagnie, des marches, des jeux partagés, mais surtout l’homme et l’animal ont en commun le besoin, la peur, la vulnérabilité, la souffrance et la mort.
Les Larmes d’Ulysse
Roger Grenier
Folio
176 pages, 18 FF
Domaine français Des chiens et des hommes
janvier 2001 | Le Matricule des Anges n°33
| par
Jacques Goulet
Un livre
Des chiens et des hommes
Par
Jacques Goulet
Le Matricule des Anges n°33
, janvier 2001.