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Domaine étranger Lumières au Nord

janvier 2001 | Le Matricule des Anges n°33 | par Eric Naulleau

Le docteur Struensee prescrivit jadis une amère potion à la noblesse danoise. Une vie et une mort sur ordonnance par Per Olov Enquist.

Le Médecin personnel du roi

S’il y eut jamais quelque chose de pourri au royaume du Danemark, ce fut bien l’organisme du roi Frédéric V au crépuscule de son existence : « Sa chair était devenue enflée et pâteuse, grise, son visage avait pris l’aspect de celui d’un noyé, comme si on avait pu détacher des morceaux de son visage. À l’intérieur de cette masse, ses yeux se dissimulaient, pâles et sécrétant une humeur jaunâtre comme si le cadavre avait déjà commencé à se liquéfier. » Lorsqu’il finit par mourir le 14 janvier 1770, en odeur de putréfaction plus que de sainteté, le pouvoir échut à son fils Christian VII, prince dément contraint de disputer son sceptre, comme un chien le fait d’un os, à une meute courtisane où se bousculaient intrigants, corrompus et privilégiés. En parfait démiurge romanesque, Per Olov Enquist, qui signe ici son huitième livre en traduction française, pétrit dans cette tourbe historique nombre de personnages fort bien campés que dominent les hautes figures de Struensee, médecin personnel du roi et porteur des valeurs du siècle des Lumières (Diderot et Voltaire figurent d’ailleurs parmi les protagonistes du récit) et de Guldberg, son double négatif, fils d’un entrepreneur en pompes funèbres qui se hissa jusqu’au sommet de l’État pour s’y faire le champion de la réaction et de l’obscurantisme. L’auteur de L’Extradition des Baltes (Actes Sud, 1985) use des luttes de pouvoir entre les deux hommes pour brosser le tableau d’un continent à la veille du tremblement de terre de la Révolution française et d’une époque qui préfigure le flux et reflux des utopies durant les deux siècles à venir -au cours des quelques années où il exerça de fait l’autorité suprême, avant de perdre la tête aux deux sens de l’expression, Struensee ne promulgua pas moins de 632 décrets relatifs à d’innombrables domaines, depuis la réduction de la flotte de guerre jusqu’à la situation des enfants illégitimes, en passant par l’activité des bordels ou l’interdiction de distiller ! Enquist surimpose à cette trame idéologique deux beaux portraits de couples illégitimes -à la passion de Stuensee pour la reine Caroline Mathilde répond l’amour fou de Christian VII pour une prostituée en laquelle il reconnaît « la maîtresse de l’Univers »- et tire les meilleurs effets de la déraison du monarque qui lui fait confondre la réalité avec une pièce de théâtre (en manière de clin d’œil, le lecteur apprend au passage que ce royal spectateur n’assistera jamais à aucune représentation d’Hamlet…). Il convient enfin de saluer les heureux changements de registre et ruptures de ton d’un texte qui fait alterner de discrètes touches poétiques (« Il pensa soudain à ce qu’ils avaient laissé derrière eux, la Cour, Copenhague. Les jours où une légère brume flottait sur l’Øresund. (…) il pensait à ce qu’elle lui avait raconté, l’eau tel du mercure, et les oiseaux qui dormaient, engoncés dans leurs rêves. ») avec des passages épurés à l’extrême : « Il avait abandonné le garçon sur le cheval de bois à une mort inexorable, et il avait couru derrière la voiture tandis que la nuit tombait ; il avait eu peur. Dans cette course, il avait en un certain sens abandonné derrière lui la plus grande tâche, le servage. Dans la voiture, il n’avait cessé de se répéter que le plus important était que lui-même survive. Et qu’avec détermination il puisse. Promulguer des décrets. Sur. Et puisse. Avec détermination. »

Le Médecin personnel du roi
Per Olov Enquist
Traduit du suédois par Marc de
Gouvenain et Lena Grumbach
Actes Sud
368 pages, 149 FF

Lumières au Nord Par Eric Naulleau
Le Matricule des Anges n°33 , janvier 2001.
LMDA PDF n°33
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