Il y a chez moi une fatalité de voyage et d’instabilité, d’autant plus grande que, mettant le meilleur de ma vie dans mes livres ou dans la peinture, je ne perds rien en brisant tout derrière moi ; j’emporte les livres et les tableaux comme les nomades emportent leurs dieux…« Au moins François Augiéras ne s’est-il pas trompé sur lui-même en se présentant ainsi. Et son ami Paul Placet non plus en publiant une correspondance attendue depuis longtemps, seulement entrevue dans des publications en livres et revues (signalons, entre autres, le beau livre avec CD-rom de L’île verte à Poitiers François Augiéras ou le théâtre des esprits). Écrivain périgourdin aux multiples éditeurs (quand il ne reprend pas un livre déjà publié par Minuit pour en refaire un tirage à compte d’auteur sans prévenir !), François Augiéras a traversé l’après-guerre jusqu’au tout début des années soixante-dix en brûlant toutes ses cartouches. Salué par Gide, stupéfait comme beaucoup d’autres par ces récits violents, fiévreux, il ne reste jamais en place, préférant les terres sauvages de l’Afrique du Nord, la Grèce ou le pays périgourdin où il termine ses jours en rédigeant Domme ou l’essai d’occupation dans une grotte. Grâce à son exécuteur testamentaire Jean Chalon, on peut trouver la plupart de ses textes dans la collection Les Cahiers rouges chez Grasset (en attendant la réédition d’Une trajectoire sous son titre original Une enfance au temps du Maréchal et, enfin, un livre complet de sa peinture aux éditions de La Différence début 2001). La reconnaissance n’est pas encore totalement là pour ce peintre-écrivain-voyageur qui éleva son œuvre au ciel comme un sacrifice. Auto-désigné comme un barbare en Occident, il eut un ami : Paul Placet, dont l’action s’avère déterminante pour la postérité de cet homme (publications, expositions, et, disons-le ainsi : disponibilité !) Enseignant en France et à l’étranger, Paul Placet (auteur de François Augiéras, un barbare en Occident, une biographie aujourd’hui épuisée) nous accueille, à la retraite, en pays sarladais, au »Premier étage-Augiéras« comme dit son épouse, qui a collaboré à la mise au point de ces lettres et auteur, par ailleurs, d’un délicieux confit de canard.
Vous publiez trente ans après sa mort les lettres qu’Augiéras vous a adressées. Pour quelles raisons ?
Je suis resté de 1971, date de sa mort, jusqu’à 1982, sans rien faire. Pour deux raisons : premièrement, j’enseignais, deuxièmement, j’étais en province et n’avais »aucun poids« . Je ne savais pas à qui m’adresser pour faire quelque chose. Tout s’est déclenché quand les éditeurs George Monti, du Temps qu’il fait, et Bruno Roy, de Fata morgana, sont venus un jour me rendre visite et qu’a été publié ensuite le deuxième Cahier du Temps qu’il fait sur François Augiéras. J’ai ouvert un carton où toutes les lettres étaient en vrac, je ne m’en étais pas approché depuis que je les avais reçues. C’est à ce moment-là que j’ai tout reclassé. J’ai...
Entretiens Paul et le frère barbare
janvier 2001 | Le Matricule des Anges n°33
| par
Marc Blanchet
,
Nadia Chevalerias
Depuis quelques années, on redécouvre l’œuvre-vie de François Augiéras. Les lettres à Paul Placet permettent trente ans après la mort de ce peintre et écrivain insaisissable de rencontrer un homme qui l’est tout autant.
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Un livre