RUBRIQUE Entretiens
Les articles
Une colline nommée désir
Quarante-cinq ans d’écriture d’une colline ardéchoise, La Face nord de Juliau touche à sa fin. Grand projet, unique, cézannien, organique, de Nicolas Pesquès, par quoi c’est la relation de l’homme au langage et au réel qui y est scruté, interrogé.
Ouvrons le premier volume de La Face nord de Juliau (1988), son incipit : « Face à l’inconnu, à ce qui toujours résiste et reste à dire, le désir vient du harcèlement et de l’obstination… du retour entêté, d’assaut en assaut, vers cela : l’inépuisable… » Les mots de désir, d’inachevable, ceux de ressassement, l’élan qui voudrait endurer la recherche d’une relation, on pourrait aussi les trouver dans toutes leurs variations au sein des 19 volumes de l’entreprise, discrète mais sûre, de ce gigantesque chantier qu’est La Face nord de Juliau. Faisons un saut, dans les huit, neuf, dixième face...
France arrêt sur poèmes
Avec Le Voyage intérieur, Gérard Cartier signe le parcours étoilé d’une cartographie mentale de la France telle que parcourue, vue, ressouvenue, écoutée et touchée à travers les strates de son histoire. Une somme.
La France de Gérard Cartier pourrait être la Chine de Segalen, ou l’Afrique de Michel Leiris, voire le Dépays du cinéaste Chris Marker, petit grand livre dans lequel ses photographies japonaises sont au bord de textes ciselés et précis sur cet écart par quoi un pays, peu importe lequel en fait, avoisine toujours un dépays. Quelque chose en effet témoigne, par la traversée des espaces...
Hantologie du vide-grenier
Le second tome du journal de Daniel Sangsue confirme un auteur aussi facétieux qu’érudit et pensif. Élégante, la pudeur de l’humour.
Dans sa préface comme à la fin du livre, Daniel Sangsue se revendique du syndrome de Diogène, lequel comme on sait ne jetait rien. D’où une « création composite, nous dit son auteur, tenant à la fois du journal intime, de la chronique, de l’essai et de ce que l’on appelait autrefois des ana ». Ce sont les fantômes qui donnent son unité ou au moins son prétexte à une écriture aussi variée que...
Accroché à la falaise du Je
Avec Reus, 2066, dernier volet d’une trilogie, l’oulipien Pablo Martín Sánchez délivre un carnet intime dystopique plein d’humour et de gravité.
L’écriture, la littérature peut-elle nous définir ? Et comment ? En élidant une lettre, fût-elle la plus usitée de la langue française comme dans La Disparition de Georges Perec ? Ou plus simplement (quoique ?) contenir son auteur comme chez Pablo Martín Sánchez ? Après s’être inquiété dans L’Instant décisif (La Contre Allée, 2017) des événements qui ont marqué le jour de sa naissance, être...
Le vilain rêve
De l’utilité de lire Le Grand Sommeil dans la retraduction de Benoît Tadié, qui rend au premier roman de Chandler sa singularité triste et toujours frémissante.
Évidemment, on se souvient de l’adaptation d’Howard Hawks : clair-obscur au cordeau, récit au galop, érotisme incisif des dialogues Bogart/Bacall. Sauf que leur couple ne s’est jamais formé chez Raymond Chandler (où le détective Philip Marlowe repoussait toute manipulation des dames) ; que l’histoire y était beaucoup plus composite (Chandler ayant fondu l’intrigue de deux nouvelles...