Plein Chant N°71-72 (Marcelle Delpastre)

Arc-boutée au volant d’un vieux tracteur, béret engoncé jusqu’aux oreilles, ainsi apparaît Marcelle Delpastre sur la couverture de la revue Plein Chant. Image d’un autre temps, d’un autre monde, celui de la paysannerie limousine à jamais engloutie et dont elle occupera une grande partie de sa vie à collecter la mémoire. Mais son travail d’écriture ne peut être réduit à l’ethnographie, c’est celui d’un écrivain à part entière, auteur de pièces de théâtre, de nouvelles, de contes, de chroniques et surtout de poèmes. Une écriture ample, intense qui chantera la terre, le monde, mais aussi les petites misères du quotidien d’une femme écrivain-paysan. D’une femme ? N’a-t-elle pas toujours travaillé comme un homme, labouré, semé ? N’a-t-elle pas choisi d’écrire au masculin ? « Mais le poète ? Mais l’artiste quel qu’il soit, à laquelle des deux espèces appartient-il ? Que s’il n’est pas »à la fois« le corps et le sang, ne lui manque-t-il pas la moitié de lui-même ? Quant au féminin, entaché de tant d’opprobre séculaire, restrictif à tout point de vue, je ne pouvais non plus m’en satisfaire. » Si elle s’impose un genre, elle demeurera plurielle au niveau des langues, écrivant en français et en limousin, cette magnifique langue occitane. Née en 1925, dans un hameau limousin de quatre fermes, Marcelle Delpastre passe de la communale au collège de Brive. Après un bac philo-lettres, elle s’oriente vers les Arts décoratifs à Limoges, puis retourne définitivement à la terre. En 1948, Delpastre s’essaye à l’écriture théâtrale, puis aux nouvelles dont certaines seront publiées par Rougerie. À partir de 1963, elle collaborera à différentes revues ethnographiques dont Lemouzi. C’est en 1964, qu’elle écrira La Lenga que tant me platz, premier recueil en limousin. Son luxuriant chemin d’écriture sera ponctué par la publication de Nathanaël sous le figuier, Paraulas per questa terra (5 volumes), des Saumes pagans, Psaumes païens, (Lo Chamin de Sent Jaume 1987, 1997, 1999). Cinq ans avant sa mort en 1998, elle connut le succès avec la elle connut le succès avec la publication de huit ouvrages parmi lesquels Les Chemins creux ; une enfance limousine, Proses pour l’après-midi, Le Tombeau des ancêtres, livres autobiographiques, ethnographiques ou recueils de poèmes (1993, 1995, 1997, Payot). L’écrivain, éditeur (Lo Chamin de Sent Jaume), saltimbanque Jan dau Melhau a fait ici un excellent travail, conviant autour de son amie, universitaires, écrivains, poètes parmi lesquels Michel Chadeuil, Yves Rouquette, Claude Seignolle. Après les témoignages, de nombreux extraits, classés par thèmes de l’oeuvre de Marcelle Delpastre, des lettres, notamment une d’Henri Pichette, révèlent l’importance d’un écrivain-paysan que l’on peut décemment classer parmi les plus grands en français comme en occitan. « Ce que je pleure moi, c’est la mémoire. »
PLEIN CHANT N° 71-72
275 pages, 120 FF.
Abt : 4 N° 200 FF
(Bassac 16120
Châteauneuf-sur-Charente)