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Domaine français L’ami africain

avril 2001 | Le Matricule des Anges n°34 | par Thierry Guichard

En deux livres blessés et rageurs, Waberi saisit l’Afrique noire dans ses contradictions et sa violence. La beauté de l’écriture offre une alternative d’encre au passé de sang.

Moisson de crânes (textes pour le Rwanda)

Que sait-on des massacres du Rwanda en 1994 ? Qu’en saurait-on quand bien même les intellectuels français et les médias auraient fait correctement leur travail ? Comment appréhender la réalité de massacres à la grenade, à la machette, les émasculations, les viols la mutilation des corps encore vivants ? On se souvient que pour approcher cette vérité historique, l’écrivain Tierno Monénembo dans L’Aîné des orphelins (Seuil) a fait confiance à la fiction pour lui permettre d’endosser la personnalité d’un jeune Rwandais confronté au massacre, déshumanisé et qui devint à son tour un criminel.
Abdourahman A. Waberi a fait comme son homologue le voyage au Rwanda. Il y est allé en 1998 et en 1999 et le livre qu’il en a ramené bute sur la question de Celan (et d’Adorno) « Comment écrire après Auschwitz ? » puisqu’au Rwanda aussi ce fut un génocide. Dans sa préface à Moisson de crânes, Waberi évoque l’humilité qu’il faudrait conserver face à ce qui s’est passé là-bas mais il dit aussi la nécessité de rapporter les témoignages, les paroles entendues, les choses vues. « Jamais expérience humaine plus exigeante, plus urgente et plus éreintante ne m’a été donnée à vivre dans mon petit parcours personnel, vierge de tout activisme. » Comment dire une réalité qu’on ne parvient pas même à circonscrire ? Mélange de fiction et de reportage, Moisson de crânes prend des accents de réquisitoire implacable vis-à-vis des Occidentaux (français, belges et chrétiens). Sans forcer le trait, au contraire. La fiction sert ici à se mettre à la place de ces gens ordinaires qui furent les effroyables acteurs d’un massacre organisé : « Des cargaisons de machettes rutilantes, achetées à bas prix en Chine, arrivent chaque jour à l’aéroport de Kanombé. » L’urgence de témoigner est d’autant plus forte que c’est par la parole de la radio mais par les écrits aussi que les slogans meurtriers ont mis le feu au pays des mille collines : « Débroussaillons la vermine, enfants des cultivateurs. Coupons le plus grand nombre de cous possible. On leur donnera, je vous le jure, la mort avant la mort. » Surenchère verbale terrifiante à laquelle a succédé aujourd’hui une incroyable résignation, symbolisée ici par cette femme qui a accueilli le chien, bien gras, qui a mangé les siens et qu’elle appelle « Minuar en souvenir des soldats de la Minuar qui ne nous ont pas sauvé la vie ». Waberi ne se contente pas de dire cela. Il guette aussi au Rwanda, puis au Burundi, les signes d’une renaissance panafricaine. Celle-ci passera forcément par un humanisme éclairé et révolté dont les grands noms servent ici à rythmer, par des citations, le voyage rwandais : Wole Soyinka, Mia Couto, Antjie Krog, Aimé Césaire.
« Je donnerais tout pour ces terres d’Afrique fertilisées par la parole » dit un des nombreux narrateurs de Rift routes rails. Le sous-titre, variations romanesques, de ce recueil de textes courts marqué par l’exil renvoie incontestablement à la musique de la langue. C’est peu dire que Waberi écrit bien. S’il met une ironie mordante à évoquer les grands de ce monde, on entend toujours sa nostalgie blessée de Djibouti sa ville natale. La langue est amoureuse et révoltée des trahisons qui lui sont faites. Elle chaloupe ses blessures avec une puissante sérénité. Fragments d’un monde déraciné, les textes ici donnent la possibilité de vivre plusieurs vies. Et inscrivent tout naturellement Waberi au fronton d’une littérature indispensable à ceux qui « n’ont pas renoncé à comprendre le monde ».

ABdourahman A.Waberi
Moisson de crânes
Le Serpent à plumes
108 pages, 59 FF
Rift routes rails
Gallimard - 85 pages, 73 FF

L’ami africain Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°34 , avril 2001.
LMDA PDF n°34
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