Le poème ferait l’effet d’une photographie. Rectangle brillant posé sur la page, il fixerait les plus instables effets de lumière et des instants l’émotion qui ne revient plus. C’est ce rêve peut-être, du poème comme instantané photographique, qui anime l’écriture de Christophe Lamiot dans son premier recueil, Des pommes et des oranges, Californie. Narratif, mais en des narrations condensées, virevoltantes, qui cherchent à saisir de l’éphémère la fulgurante douceur, il pose sur la page des rectangles vibrants, propose des aperçus d’un présent en lui-même déjà presque évanoui.
D’un séjour sur la côte ouest des États-Unis, il ramène des poèmes traversés de lumières, de l’intensité claire d’un regard, d’un sourire, d’un geste, d’une scène anodine, de presque rien, dans l’anodine évidence de ce qui est, de ce qu’on vit dans l’instant simple qui ne ressemble à rien, qui est tout sauf ce qu’on croyait être.
Le poème aurait la platitude du cliché. Et dans sa lecture alors il y aurait à glisser, faire glisser le regard pour saisir ce qui dans la découpe des vers relève d’un tremblement, d’un balancement très mince, à peine une oscillation pour mimer quoi sinon l’évanescence et ce qui la contrecarre parfois : « Je/ te prends en photo debout, ton manteau se/ plisse/ comme un pyjama au réveil, tes cheveux/ bouclent -/ ou bouffent -mon casque est posé sur le siège./ Vois,/ muette impression, cette journée sur tes lèvres. »
Le poème avance vers la captation du réel en torsades brusques ou douces, en travellings aériens ou en plans fixes. Il pose les mots, les isole ou les déplace, les bouleverse, pour toujours chercher le meilleur angle sur l’indicible qui a la couleur orangée d’une lumière ou d’une orange. Le poème ferait à une photographie l’effet d’un poème, des instants de nos vies y seraient révélés à eux-mêmes, basculés.
Des pommes et
des oranges, Californie
Christophe Lamiot
Flammarion -241 pages, 130 FF
Poésie Orange évanescence
avril 2001 | Le Matricule des Anges n°34
| par
Xavier Person
Un livre
Orange évanescence
Par
Xavier Person
Le Matricule des Anges n°34
, avril 2001.