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Arts et lettres Le risque de vivre

août 2001 | Le Matricule des Anges n°35 | par Thierry Guichard

Écrit tel un chant révolutionnaire, plein de ferveur et de rage, l’hommage de Lydie Salvayre à Picasso sonne comme une charge contre notre époque.
D’avril à octobre 1964, Picasso a rempli trois carnets à dessins de portraits d’hommes, femmes et surtout de couples en action. Presque soixante-dix de ces dessins sont ici reproduits avec une belle précision (on ne reprochera à l’éditeur que la fantaisie brouillonne du foliotage), dont quelques-uns dans une quadrichromie qui transmet toute l’énergie et toute la force du trait de Picasso. Face à cette source vive, le texte de Lydie Salvayre n’est pas en reste. Il y a quelque chose de charnel, de sanguin et de combatif dans cet hommage qui n’est ni un récit, ni un essai. On se doutait bien que Lydie Salvayre aimait Picasso : pour ses origines espagnoles, pour ce mélange d’aristocratie et de vulgarité qui trouve chez l’écrivain son équivalent (les mots crus du sexe cohabitent avec ceux de la langue des Lumières). Mais l’élan qui emporte ici les phrases vient de plus loin que d’une simple admiration. Il y a de la rage et de l’amour dans Le Vif du vivant.
L’hommage touche d’abord l’homme Picasso. Celui qui refuse la mort, la soumission. Celui pour qui la vie est une joie dont il faut jouir. Lydie Salvayre endosse les habits d’un procureur général, vif et implacable : le prévenu, c’est toute notre société, « un monde qui a déjà commencé son suicide, un monde suicidé à la fadeur et au mensonge ». C’est selon elle en 1964 que commence l’affadissement général dont elle martèle les étapes : l’influence de la télévision, la pornographie de la « barbaque », l’article 330 du code pénal sous lequel devrait tomber le port du bikini (outrage à la pudeur). « Nous sommes, je le rappelle, en 1964. » Et de dresser ensuite la figure d’un Picasso libre, violemment vivant, Quichotte vainqueur « par la propre force de sa peinture ». Même si elle reconnaît la violence de l’artiste vis-à-vis des femmes qu’il connut, Lydie Salvayre refuse d’inscrire l’argument au discrédit de Picasso (contrairement à Alberto Manguel dans Le Livre d’images - Actes Sud 2001). C’est que la vie n’a que faire de cette sorte de morale. C’est surtout que le texte est un plaidoyer pour la radicalité. Radicalité esthétique, mais plus encore ontologique ou politique, gargantuesque aussi : « Picasso rit d’un rire d’homme libre, et son rire console le monde, qui le répercute à l’infini. » On est bien loin de l’art institutionnel d’aujourd’hui où « les artistes en pointe, nantis d’un grand sérieux et d’une écharpe blanche, affirment sans appel la négation de l’art, puis la négation de la négation de l’art, puis la négation de la négation de la négation de l’art (…). À la longue, leur rébellion (…) assomme. »
C’est vrai que notre époque va vite à figer les choses, les discours et jusqu’aux raves libres qui devront être corsetées. Figer c’est tuer. Le contraire de ce que fait Picasso, car « on voit bien dans ces carnets combien la mesure de son art ne réside pas du tout dans le fini des dessins, mais dans le mouvement, dans la poussée qui prolonge chaque oeuvre et la répète, jusqu’à l’ivresse ». Affirmer la vie, lui rendre et le sang et le sexe dans un accouplement entre le texte et les dessins de Picasso renvoie à une sauvagerie originelle, celle-là même où « la pensée est jouissance ». Et ce livre, un vrai bain de jouvence.

LE VIF DU VIVANT
LYDIE SALVAYRE
Éditions Cercle d’Art
125 pages, 150 FF (22,86 o)

Le risque de vivre Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°35 , août 2001.
LMDA PDF n°35
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