La Pensée de midi N°5/6
À force de voguer sur les flots agités de la grande édition, Actes Sud éprouve de temps à autre (trois à quatre fois par an) le besoin de jeter l’ancre, de retrouver son port d’attache, de doucement balancer au rythme des berceuses méditerranéennes, de s’immerger dans les eaux amniotiques d’une mère étrangère : la littérature. Basée à Marseille, La Pensée de midi hisse pour la cinquième fois son pavillon noir d’encre (étonnant travail de Pierre Alechinsky pour l’illustration de couverture) et embarque pour l’occasion double fret, ce dont nul a(r)mateur de la chose écrite ne se plaindra. D’évidence, la théorie n’est pas la tasse d’eau salée de nos vingt-trois marins : « À rebours des numéros sur la littérature, souvent savants et parfois savoureux, nous avons souhaité que celui-ci soit un numéro de et donc des littérature(s), persuadés que des textes de création en éclaireraient mieux l’enjeu que toute forme d’analyse. » Voilà qui prête à discussion mais invite plus encore à évaluer quels plaisirs de lecture pendent au bout de leurs lignes. La pêche est bonne. De A comme Adonis, qui dédie un poème inédit à la mémoire de Jacques Berque, à W comme Chehem Watta, natif de Djibouti, qui médite sur la folie humaine au bord des Grands Lacs africains (« Rêves-tu une seconde seule/ sans cette haleine de machettes/ que tes voix profondes confondent/ avec les pagaies des rameurs/ traînant la paix dans les souillures de leurs âmes ? »), les membres de l’équipage ne s’encombrent pas plus de jambe de bois que de langue de bois. Erri de Luca et Bruno Etienne maintiennent le cap au sud en polissant deux figures de proue de l’imaginaire méditerranéen, respectivement la Femme ("J’
La Pensée de midi No5/6
232 pages, 18,29 € (120 FF)
(142, La Canebière 13001 Marseille)