C’est une littérature en charpie, nerveusement rafistolée, faite de grammaire rudoyée et de rognures de phrases. L’Italien Paolo Nori ignore le cambouis des établis littéraires où s’élabore, depuis Flaubert, la « mécanique compliquée » de la phrase. Il préfère jouer au mikado avec les clefs à molette. Son premier roman, Bassotuba n’est plus là !, publié en Italie en 1999, ressemble à ces 2 CV bricolées qui menacent à chaque pétarade de tomber en pièces. Monologue nerveux et haché, son récit qui carbure à l’ironie est la chronique du désespoir tranquille de Learco Ferrari. Écrivain en rodage, amant au point mort abandonné par son amie Bassotuba (le « bas-basson », en italien), ce trentenaire désabusé est l’auteur de deux manuscrits « antiphrastiques, explosifs et implosifs ». Pour survivre à l’espoir sans cesse retardé d’une publication, Learco, libertaire neurasthénique, travaille comme magasinier et traducteur. Paolo Nori force peu sur la machinerie stylistique pour décrire cette existence cabossée. « Cette solitude de spaghetti, d’émissions radiophoniques ? Hein ? Parfois c’est ce que je me dis », écrit-il sans redouter la surchauffe -la guimbarde vibre pourtant lors de rares et brèves accélérations lyriques : « Je pleure comme un sarment coupé ». Si le style est en option, cet attelage porte en lui l’essentiel : une voix. Sèche et rauque. Immorale et cynique. Né à Parme en 1963, auteur de trois autres ouvrages non encore traduits (Le cose non sono le cose, Spinoza et Diavoli), Paolo Nori défonce à coups de pare-chocs les portières de la pensée snobinarde. Ce cascadeur du verbe impose à son tacot une conduite déconcertante et drôle.
Bassotuba n’est plus là !
Paolo Nori
Traduit de l’italien
par Marilène Raiola
Mille et une nuits
206 pages, 12 € (78,70 FF)
Domaine étranger Mikado littéraire
décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37
| par
Pascal Paillardet
Un livre
Mikado littéraire
Par
Pascal Paillardet
Le Matricule des Anges n°37
, décembre 2001.