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Domaine étranger « Rebâtir après les désillusions »

décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37 | par Thierry Guichard

Sous le soleil de Mexico, Philippe Ollé-Laprune ne manque pas de casquettes : directeur de la maison refuge de Mexico (qui fait partie du réseau mis en place par le Parlement des écrivains), directeur de la revue internationale Lineas de Fuga, il est en outre le conseiller éditorial de la grande maison d’édition Fondo de cultura economica, par ailleurs Fondation d’État. Le responsable de la programmation littéraire de La Cita de Biarritz est également expert au ministère de la Culture mexicain pour la traduction d’oeuvres mexicaines : on lui doit la découverte en France de pas mal d’écrivains dont Villoro, Celorio et Elizondo…

Philippe Ollé-Laprune, quelle est la situation éditoriale au Mexique ?
Le monde éditorial mexicain publie à peu près 10 000 titres par an. Le pouvoir public édite beaucoup de livres notamment par le biais de maisons d’édition régionales. La fiction représenterait environ 500 titres auxquels s’ajoutent de nombreux recueils de poésie.
Bien que la langue espagnole soit parlée dans presque toute l’Amérique latine, les oeuvres ne circulent pas d’un pays à l’autre. Les livres ont beaucoup de mal à voyager. Entre l’Espagne et l’Amérique latine, c’est un dialogue de sourds. Les Espagnols n’aiment pas la littérature latino-américaine, ils l’ont aimée seulement quand eux ne pouvaient pas éditer, c’est-à-dire durant le franquisme. Il y avait alors une génération brillante en Amérique latine. Depuis les années 80 peu d’écrivains sont réellement bien reçus en Espagne et donc par conséquent en Europe.
On peut observer quatre types de maisons d’édition. D’abord les maisons d’éditions qui exportent. Deux maisons : Fondo de cultura economica et Siglo 21. La création de Siglo 21 dans les années 60 a été capitale. C’est elle qui a édité tout ce qui était contestation.
Mais dans toute l’Amérique latine, l’édition échappe de plus en plus aux groupes locaux, au profit des groupes espagnols. Au Mexique, ce sont les maisons espagnoles qui éditent les romanciers les plus connus : Alfaguara qui a pratiquement tous les romanciers du Boom à son catalogue, Planeta et Plaza y Janès qui, elle, appartient à Bertelsmann. Et puis, il y a une maison plus petite (catalane) qui a un catalogue formidable : Tusquets.
Il y a quelques maisons mexicaines qui exportent peu comme Era, la grande maison d’édition des années 60-70 qui a publié Sergio Pitol.
Il faut savoir qu’au Mexique l’État donne une aide très très forte à la création et à l’édition. La diffusion est très mauvaise, les libraires ne sont pas formés, les bibliothèques sont dans un état de déliquescence incroyable mais les créateurs et les producteurs sont bien traités avec un système de bourses, des voyages, etc. Donc ce troisième groupe d’éditeurs peut se lancer dans des projets ambitieux financièrement. Enfin, quatrième type de maisons, très important là-bas : les éditions universitaires.
Il y a aussi une grosse vie poétique au Mexique.
Quels sont les tirages moyens d’un roman ?
Le tirage moyen varie autour de 3 000 à 5 000 exemplaires. Un roman qui se vend très bien arrive à 15 000 exemplaires… C’est le cas du Maître du miroir de Villoro. C’est quasiment une meilleure vente de l’année. Le problème du lectorat est très important. Le Mexique compte 100 millions d’habitants or, les grands groupes espagnols calculent que le nombre de personnes qui vont régulièrement dans un endroit où il y a des ventes de livres -plus généralement des drugstores- avoisine le million de personnes. Et à cause de ce qui se passe aussi en Espagne avec ces promotions pour lesquelles il faut toujours alimenter les débats, beaucoup de gens ont été désillusionnés par la littérature mexicaine, par ce qu’on leur vendait. La plupart des auteurs sont payés sur les ventes et n’obtiennent pas d’avances.
Ce qui se vend bien, ce sont des sortes de B.D. semi érotiques tirées à un million d’exemplaires et vendues dans les kiosques.
On a vu fleurir quelques générations spontanées d’écrivains en Europe qui doivent plus au marketing qu’à une réalité. Est-ce la même chose au Mexique où l’on fait toujours référence à cette notion de générations ?
Il faut réfléchir en terme de générations. Le Mexique a souffert d’avoir un ou deux très grands noms. Il y a eu Rulfo qui n’est pas encore bien connu en France. Il y a eu le binôme Octavio Paz-Carlos Fuentes. Paz est mort, Fuentes participe toujours au débat public, mais il vit tout le temps à Londres.
Vient ensuite une génération qui a une double facette. C’est d’une part un groupe d’écrivains qui ont contribué à ouvrir le pays, les mentalités : Salvador Elizondo1, Juan Vicente Melo2, Juan García Ponce qui vient de recevoir le grand prix littéraire du Mexique qui est le Prix Juan Rulfo doté de 100 000 $. Ce sont des gens qui sacralisent beaucoup la culture ; pour eux, on ne pouvait pas être fonctionnaire et artiste et on devait parler des zones limites de la société. Ils ont traité l’érotisme, l’inceste. C’était des lecteurs de Bataille, de Klossovski. C’était très dur pour eux qui vivaient dans une société conservatrice, fermée. Dans la même génération, il y a ensuite un deuxième groupe, et c’est l’autre facette, qui avait plus de liens avec la société : Elena Poniatowska, José Emilio Pacheco, etc. Ces écrivains-là qui ont dépassé la soixantaine, ont fait des revues, ont été présents politiquement. Ils ont été très actifs dans les années soixante au moment où apparaissait la Onda dont deux noms seulement restent aujourd’hui : José Agustín et Gustavo Sáinz. Les écrivains de la Onda ont secoué le cocotier et ont amené dans la littérature des thèmes et des façons de parler nouveaux.
Et aujourd’hui ?
Le panorama littéraire à l’heure actuelle ressemble à une mosaïque, avec des gens qui ont un peu plus de quarante ans ou des jeunes comme Volpi. On peut évoquer quelques champs de réflexion : une grande attirance pour les notions de mystère, à la fois comme technique narrative (ça vient du cinéma, d’ailleurs) ou comme polar (Paco Ignacio Taibo II). Autre thème important : le désenchantement. Le Mexique s’est bercé de grandes illusions dans les années 60. Le discours était ouvert vers un avenir radieux ; on parlait du miracle mexicain, on a organisé les jeux olympiques, la population croissait, on pensait que ça ferait de grands consommateurs. Dans les années 70 la crise économique est brutale, on découvre que ces gens ne consomment pas, qu’ils sont pauvres (on pense qu’il y a 30 à 40 millions de pauvres au Mexique). C’est l’échec du nationalisme, du progrès, des idéologies. Donc les écrivains aujourd’hui acceptent cet échec et visent à dégonfler le discours. L’innocence d’un José Agustín en 1967 quand il publie Mexico midi moins cinq (La Différence) aujourd’hui n’est plus possible.
La société mexicaine est très fortement imprégnée de nationalisme, au point de choquer parfois les Européens. C’est une des conditions de base de fonctionnement du pays. Or, on voit un Jorge Volpi déplacer le sujet de son roman en Europe, ce qui ne s’était pratiquement jamais passé dans la littérature mexicaine. Pacheco, lui, parle des camps de concentration avec une construction très ambitieuse.
Les écrivains mexicains rencontrent-ils souvent les auteurs des autres pays de l’Amérique latine ?
Oui. Un ami disait que la littérature mexicaine s’écrivait dans les aéroports, car effectivement les écrivains mexicains voyagent probablement plus que leurs homologues français. Ils sont très sollicités, très invités. Beaucoup d’universités ont des résidences d’auteurs ce qui permet de recevoir un écrivain argentin par exemple…
Thierry Guichard

1Elsinore (L’Atelier du Gué, 2001)
2L’Obéissance nocturne (La Différence,1992)

« Rebâtir après les désillusions » Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°37 , décembre 2001.
LMDA PDF n°37
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