Dans Salon de beauté (cf. Lmda No32), Mario Bellatin met en scène un travesti qui transforme son salon de beauté en mouroir pour des malades incurables. Sélectionné l’an dernier pour le Médicis étranger, ce roman a marqué bon nombre de ces lecteurs : parabolique par son utilisation du silence (la maladie n’est pas nommée) il laisse entr’apercevoir l’influence d’un Kawabata, mais d’un Kawabata désillusionné, voire morbide. L’écrivain, né en 1960, aime le travestissement, le masque, le détournement : à Biarritz, comme partout où on l’invite, il a proposé une fausse exégèse de son roman en s’appuyant sur des diapositives issues pour beaucoup de magazines féminins. Il lui arrive aussi de s’inventer sa biographie ou de traduire des auteurs qui n’ont jamais existé. Autant dire que l’homme préfère rester insaisissable et qu’il faudrait utiliser le conditionnel pour dire qu’il a vécu à Cuba où il a appris le cinéma et au Pérou.
Mario Bellatin, allez-vous répondre en disant la vérité ?
Oui, oui. Je vais dire la vérité.
Salon de beauté pourrait se passer partout dans le monde, rien n’y laisse voir votre origine. Vous sentez-vous un écrivain mexicain ?
Qu’est-ce que ça peut signifier d’être écrivain mexicain ? Je suis mexicain. Je suis écrivain. Mais écrivain mexicain, je ne sais pas. Je suis plus un écrivain latino-américain, mais même ça, je ne le reconnais pas.
Toutefois, on retrouve dans votre roman des thèmes récurrents chez les autres auteurs mexicains : le corps souffrant, le mystère, une forme de désenchantement. N’est-ce pas là que se signale une esthétique commune ?
C’est vrai que ces thèmes se répètent dans beaucoup de livres. Je ne suis pas sûr que ce soit des éléments qui font que nous ayons des choses en commun sur le plan littéraire. Il n’y a pas de programme littéraire derrière ça. Le corps, la société telle qu’on la décrit, c’est quelque chose qu’on voit et qu’on traite.
Vous vous attachez aux travestis. Ne sont-ils pas les héritiers des personnages auxquels s’est intéressé Mariano Azuela dans Ceux d’en bas (1916) inspiré par la Révolution mexicaine ? Traiter des marginaux, n’est-ce pas ainsi moderniser le roman social ?
C’est vrai seulement pour Salon de beauté. Mais mes personnages ne sont pas Ceux d’en bas. Ils sont dans une marginalisation parallèle, sur le côté et non pas en bas. C’est plus proche de L’Idiot de Dostoïevski. La littérature latino-américaine est plutôt une littérature sociale, là ce n’est pas le cas. Je ne sais pas si c’est moderniser l’héritage, c’est seulement dans ce livre-là que je traite de ce thème. Dans un autre de mes livres je parle de l’aristocratie…
Dans vos lectures, vos rencontres, vous camouflez l’auteur que vous êtes derrière de fausses biographies. Vous pensez que l’auteur doit rester indéterminé ?
Ça va plus loin que ça, c’est plus profond. On ne me définit pas comme écrivain mais comme traducteur de livres inexistants (Mario Bellatin a...
Entretiens Bellatin sans frontières
décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37
| par
Thierry Guichard
Un auteur
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