C’est un roman plus intelligent que sensible que le jury du prix Grinzane Cavour-Deux Océans a récompensé à La Cita. À la recherche de Klingsor fait immanquablement penser aux best-sellers d’Umberto Eco. Nous sommes en 1946. Francis Bacon (un homonyme du philosophe et du peintre) est un surdoué des mathématiques. Devenu physicien, proche d’Einstein, il est envoyé par les alliés au procès de Nuremberg. Il enquête sur l’invisible Klingsor, le responsable du programme atomique des nazis. Pour l’auteur, le roman est l’occasion de dire sa fascination pour la science dont l’Histoire se mêle à la trame romanesque d’une manière didactique et un peu forcée. Qu’il n’y ait là absolument rien de mexicain semblera normal au lecteur européen, habitué à ses romans universels, bâtis sur quelques principes narratifs (le mystère, par exemple) et qui empruntent leur décor à l’Histoire. Ce n’est toutefois pas si courant qu’un romancier mexicain tourne apparemment autant le dos à son pays, à sa culture. Jorge Volpi, né en 1968, fait partie d’un groupe autoproclamé groupe du Crack en ironique référence au groupe du Boom (les grands auteurs latino-américains). Au départ ce sont six jeunes écrivains qui se réunissent chaque semaine pour échanger propos et sentiments sur la littérature. Puis un recueil collectif de trois nouvelles paraît, dont Jours de colère du même Volpi (Mille et une nuits) : un récit troublant, découpé de main de maître dans une recherche expérimentale réussie. Le groupe est lancé, sans vraiment de dogme mais avec quelques caractéristiques communes : Ignacio Padilla (Amphitryon, Gallimard) vient d’être nommé attaché culturel à Londres alors que Volpi a pris récemment les m&e
Jorge Volpi, vous êtes le représentant d’une nouvelle génération d’écrivains mexicains. Vous sentez-vous le besoin ou le devoir de créer une nouvelle esthétique littéraire ?
Je crois que la tradition de diviser les écrivains de langue espagnole en générations est toujours très forte, c’est pourquoi on continue à utiliser ce concept de générations qui nous vient d’Ortega y Gasset. Ça ne veut pas dire qu’à chaque génération correspond une innovation esthétique. Ce ne sont que des divisions temporelles. Je ne suis pas sûr qu’on doit chercher de créer un canon esthétique dans la littérature. La littérature n’est pas aussi marquée par le développement et le progrès que la science. Le renouvellement de la littérature n’est pas aussi important pour créer de la nouveauté. C’est toujours un dialogue entre la tradition et la nouveauté.
De vos deux textes disponibles en France, on voit pourtant que Jours de colère développe une recherche formelle radicale. À la recherche de Klingsor, écrit plus tard répond au contraire à une esthétique plus traditionnelle. Est-ce à dire que vous êtes parti d’un désir d’innovation pour finalement revenir à un récit plus classique et écrire un roman proche de la word fiction ?
Non, je ne crois pas. J’ai écrit Jours de...
Entretiens Volpi, le crack en plein boom
décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37
| par
Thierry Guichard
Un auteur