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Domaine étranger Exquise décadence

décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37 | par Franck Mannoni

L’Espagnol Juan Manuel de Prada livre douze écrits de jeunesse, petits bijoux sertis d’imagination et polis d’onirisme. Un recueil qui bouscule la bienséance.

Le Silence du patineur

Jeune écrivain espagnol -il a trente et un ans- Juan Manuel de Prada a débuté une carrière prometteuse avec un premier roman remarqué, Les Masques du héros, puis une deuxième oeuvre consacrée, La Tempête (prix Planeta en 1997). Le Silence du patineur, qui regroupe des textes écrits entre 1988 et 1994 présente, dans un état d’achèvement stupéfiant, toutes les facettes d’un univers créatif particulièrement riche. Comme tous les grands écrivains, Juan Manuel de Prada décline à l’envie ses obsessions d’artiste : les poètes décadents, les rites de passage de l’adolescence à l’âge adulte, la littérature elle-même, la perversion. Chaque nouvelle du recueil contient l’ensemble de ces thèmes, dont certains émergent au gré des combinaisons de personnages. Dans Les Mains d’Orlac, un jeune homme perd son innocence en bravant un fou échappé d’un asile. Demoiselles en sépia confronte un adolescent avec la quête sentimentale de son grand-père. Toujours, la nostalgie et le retour sur soi agissent comme des révélateurs : « Quatorze ans, c’est l’âge où l’on s’interroge, celui de la table rase propice au doute et au chagrin ». Ce qui pousse ses personnages à grandir ? Le malaise provoqué par l’ignorance, les non-dits accumulés pendant enfance, l’attrait de l’autre sexe et l’éveil des sens.
Inévitablement, la sexualité prend une place importante dans cette folle envie de vivre. Juan Manuel de Prada la relie à l’art, dans un méli-mélo pervers et sadique comme dans Les Nuits galantes où un poète phtisique lit ses poèmes à des veuves qui ne rêvent que de concupiscence, sous le regard stupéfait d’un témoin ingénu qui raconte toute l’histoire. La dépravation culmine dans Veille de révolution où, pour donner un héritier au premier homme de l’État mourant, dix femmes ont été engrossées par des manipulations médicales et s’exposent à la pleine lune, dans un musée, lors d’une nuit orgiaque. Si Juan Manuel de Prada évolue dans ce monde quasi hallucinatoire avec beaucoup d’assurance, il semble parfois s’interroger sur les qualités qui font les bons auteurs, non sans ironie : « Don Hypòlito construisait son oeuvre sans la soumettre aux vicissitudes de l’inspiration, plutôt comme on remplit un devoir historique. Peut-être était-ce cela, le professionnalisme ».
Le passé de l’Espagne lui tient également à coeur. Il ne manque aucune occasion de régler ses comptes avec les pseudo-révolutionnaires et les artistes conciliants. Il évoque « la laideur suprême de l’artiste qui se veut rebelle, mais qui, au lieu de parler de sa révolte dans sa création, se répand en proses et en activités vaines ». Chaque nouvelle laisse ainsi entrevoir une cible sur laquelle va tomber tôt ou tard la colère de l’écrivain.
Le Silence du patineur, bien qu’une oeuvre de jeunesse, se révèle particulièrement captivante. Elle plonge le lecteur dans un monde qui bouscule les idées bien-pensantes. Diplomates, cardinaux, aristocrates, demoiselles et poètes -censés, dans l’Espagne catholique, être les garants de la droiture, de la foi et des bonnes moeurs- évoluent dans l’hypocrisie la plus totale. Moralistes le jour, amateurs des pires débauches la nuit, ils montrent deux visages d’un pays tiraillé entre la rigueur chrétienne et la fantaisie latine.

Le Silence du patineurJuan Manuel de PradaTraduit de l’espagnol
par Gabriel Iaculli
Seuil
231 pages, 19,06 (125 FF)

Exquise décadence Par Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°37 , décembre 2001.
LMDA PDF n°37
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