L' Image, le monde N°2

L’Image, le monde est une publication de luxueux aspect vouée par ses créateurs Patrick Leboutte et Carmelo Virone (également rédacteur en chef du littéraire Carnet et les instants) à la réflexion sur les images. Remarquée lors de son lancement en 1999, la revue aura tardé à trouver son rythme après un long silence. Semestrielle, elle est désormais hébergée par les éditions Léo Scheer qui semblent lui offrir les moyens d’assumer avec munificence ses ambitions. Dans le souvenir de Robert Kramer, cinéaste disparu en 1999, cette « revue en cinéma » tend à montrer que le monde est désormais tout en images et que l’on ne peut diffuser ces images sans s’interroger à leur sujet. Si l’idée que l’image transmet toujours -au même titre que les arts, la presse, la mode ou la publicité- une vision de la société n’est pas neuve, on trouve ici une réflexion posée et soutenue par une iconographie riche -en quadrichromie bien entendu. En ouverture de la deuxième livraison, les « télégéniques » événements du 11 septembre dernier et les combats militaires subséquents s’imposaient. Depuis les compte-rendus ahurissants fournis par certaine chaîne de télé jusqu’au sort des femmes voilées, les images de la violence sociale ou géopolitique méritaient d’être mises à nu, leur système de production et leurs effets étudiés. La brutalité des conclusions n’étonnera guère les cyniques non plus que ceux des lecteurs qui possèdent des notions de sociologie de l’information. Néanmoins, avec le concours de l’historienne Arlette Farge, des cinéastes Daniel Arnaut ou Érik Bullot, le numéro livre les éléments d’un nouveau procès des médias
« Tout est dans l’image » semble-t-on nous dire et la variété des préoccupations de la revue lui confère un attrait tout particulier. À l’instar de La Pionnière, plus modeste il est vrai, L’Image, le monde s’intéresse à tout, même aux curiosités : se succèdent un « Éloge de l’arbre » inattendu qui laisse rêveur, des réflexions sur le statut du cinéaste et l’irruption du standard DVD ou les rapports qu’entretiennent les jeunes artistes avec le cinéma, le parcours de Fernand Deligny (1913-1996), pédagogue et cinéaste auteur du film Le Moindre Geste qui mettait en images Yves, un adolescent autiste, ou encore un jeu mnémotechnique et historique par l’image conçu pour ne pas oublier les grands moments du XXe siècle (« Memory »), des propos originaux sur plusieurs films récents, le devenir des villes industrielles, les moniteurs d’échographie et la télé-poubelle, une publicité de Quick, une timbre belge, une étiquette de supermarché… Bref, il ne sera pas faux de dire qu’on en prend plein les mirettes et que le cerveau n’en perd pas une miette.
L’IMAGE, LE MONDE No2
128 pages, 20 € (131,19 FF)
Éditions Léo Scheer