Nick Hornby est un auteur culte outre-Manche. Habiles, ses romans tètent les mamelles les plus fédératrices de la monarchie : la pop et le foot (respectivement Haute fidélité et Carton jaune). Ajoutons à son crédit un zest de déboires sentimentaux, des tranches de franche rigolade et des héros, trentenaires fragiles, incapables de faire le deuil de leur adolescence. Chacun se reconnaîtra. Dans À propos d’un gamin, c’est Will qui endosse l’habit. Trente-six ans au compteur et une vie oisive (financée grâce aux royalties d’une chanson style « Petit papa Noël » écrite par son père) partagée entre la télé, la hi-fi, les potes et ses amours passagères (public visé : les mères célibataires). « Pas besoin de travail ni de famille pour conduire dans Londres ; il fallait juste une voiture, et Will en avait une. » Cet être inadapté, « désespérément débranché », coule une existence sans soucis jusqu’à sa rencontre avec Marcus, 12 ans. Une autre solitude : père enfui, mère hippie tendance suicidaire, harcèlements à l’école (qu’il tait) -et chante du Joni Mitchell pour se tenir compagnie. Une enfance boiteuse, dont une image reste à graver : « Sa maman dans le vomi le Jour du Canard mort ». Le message est simple : si l’un refuse de grandir, l’autre a grandi trop vite. Deux itinéraires peu gâtés que tout sépare et que l’auteur cherchera à réunir, avec l’idée que le bonheur peut parfois résulter d’un apprentissage.
Évitant l’écueil du sentimentalisme, Hornby livre un texte d’éducation joyeux et souvent émouvant où la parole libère tous les possibles. De l’enfermement naîtra l’éveil à l’autre puis l’éveil à soi. Comme à son habitude, l’écrivain dresse le constat d’une société britannique individualiste et d’une génération larguée, désabusée. Cette fois, À propos d’un gamin se termine avec le suicide de Kurt Cobain.
À propos d’un gamin
Nick Hornby
Traduit de l’anglais
par Christophe Mercier
10/18
318 pages, 7,30 € (47,88 FF)
Domaine étranger L’enfance libérée
mars 2002 | Le Matricule des Anges n°38
| par
Philippe Savary
Un livre
L’enfance libérée
Par
Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°38
, mars 2002.