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Domaine français Tranches de vie

septembre 2002 | Le Matricule des Anges n°40 | par Thierry Guichard

Huit destins tissent la toile d’un quartier de banlieue qui, par la grâce d’une écriture poreuse, se transforme en territoire universel de l’ultra moderne solitude.

Dans son cinquième livre, Dominique Fabre associe les deux genres littéraires qu’il affectionne. En effet, si Mon quartier est un roman, il peut aussi être lu comme un recueil de nouvelles. Le personnage principal est donné dans le titre : c’est un quartier d’Asnières dans les Hauts-de-Seine. C’est, accessoirement, la ville où l’auteur vécut son adolescence. Pour dire la banalité d’un lieu où s’attachent des souvenirs, des émotions, de la beauté inattendue, Dominique Fabre a donné la parole à huit personnages, qui, s’avançant tour à tour devant nous, viennent confesser un moment de leur vie. Huit nouvelles en forme de confession ou de monologue intérieur : l’écriture du romancier avance sur cette frontière-là conférant à l’ensemble une fragilité pudique. On peut être bouleversé aux larmes en lisant ces destins d’une banalité à pleurer, circonscrits dans une banlieue où un platane, la lune et les immeubles sous le ciel nocturne se chargent de porter les émois de ceux qui vivent là.
Du lycéen enamouré à la maladresse maladive, à la vieille dame au passé tragique, chacun des huit personnages vit une histoire de cœur endeuillé, douleur secrète qu’ils essaient parfois de taire à eux-mêmes. Ces huit-là pourraient se croiser à la gare, devant le magasin de fleurs ou au café, ils n’en demeureraient pas moins seuls. L’auteur excelle à donner un effet de réel à chaque confession, nourrissant ces récits d’une fine observation : on reconnaît chacun comme si on l’avait croisé dans la rue. Du garçon de café à l’agent immobilier, on suit le quotidien balisé (il l’est aussi quand le personnage n’a pas de travail) sans surprise, en terrain de connaissance. À ce stade, on pourrait considérer qu’écrire consiste surtout à bien observer et qu’à cet exercice Dominique Fabre est passé maître. Mais l’intérêt d’un livre de littérature, c’est qu’il n’est pas du reportage (sinon, qu’on prenne une caméra). Dominique Fabre s’attache à miner cette représentation du réel par un langage de syncopes et de juxtapositions qui révèle, en voulant les masquer, les failles de nos héros. C’est par exemple Pierre, le garçon de café qui répète trop souvent qu’il a cinquante-trois ans pour que cela ne soit pas important. Pierre vient de rompre avec Jacqueline Serradura. Il ne veut plus y penser. Il veille à réussir les faux-cols des demis qu’il sert avec les premiers beaux jours. Le matin, en allant au travail, il marche « en regardant bien (s)es chaussures mais à un moment donné, je n’ai pas pu m’empêcher de regarder vers une paire de fenêtres à rideaux clairs, juste derrière, vivait Jacqueline Serradura ». Il avait peur de son angoisse à elle de finir seule. Mais le soir, il ne peut s’empêcher de regarder les signaux de son répondeur et « l’idée que j’allais dorénavant vivre seul m’a cueilli très doucement ».
Les voix se font entendre à fleur de peau : si chacun raconte sa vie sociale (le monde extérieur, le quartier), son langage n’est pas suffisamment imperméable pour ne pas laisser passer cette émotion particulière, mélange d’angoisse, de tristesse et désir d’amour qui constitue la part invisible. Ainsi, referme-t-on le livre avec le sentiment, non pas d’avoir rencontré de vraies personnes, mais avec celui, plus poignant, de s’y être vu. En vieille dame que l’Histoire a meurtrie, en jeune lycéen perdu, en mari adultère, en fils inconsolable. Alors ce quartier-là, où qu’on vive, est aussi le nôtre.

Mon quartier
Dominique Fabre
Fayard
287 pages, 17

Tranches de vie Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°40 , septembre 2002.
LMDA PDF n°40
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