Manifestement, les courts récits de Daniel Bourdon (l’entretien qui suit montre bien qu’il est difficile d’en préciser la nature) sont nés dans la patience. En publiant, la cinquantaine passée seulement, des textes écrits au maximum dix ans auparavant, Daniel Bourdon, qui vit à Montpellier, a réalisé un travail d’orfèvre. Non que ces textes, malgré leur concision, révèle une obsession du style : si celui-ci est présent, la lecture de ces contes merveilleux emporte rapidement le lecteur vers leurs propres enjeux, leur propre folie, et parviennent à ne pas s’imposer à chaque phrase comme un art consommé de la tournure. C’est cette simplicité et cette efficacité qui donnent à ces textes leur rythme et permettent au lecteur de se plonger dans un univers passionnant. On peut bien sûr citer des auteurs proches de Bourdon : Borges, Poe sont ceux qui viennent à l’esprit. Le lecteur est souvent convoqué au récit d’une confidence, au rappel d’événements étonnants, à la présentation d’un « jeu » qui semble frôler à tout moment la mort, et met en touche notre propre capacité à raisonner. Autant de textes qui enchantent, sans pour autant avoir recours à la séduction de l’érudition, ou à des constructions trop factices.
Après la parution des Gardiens du territoire en 1999, La Disparition confirme l’excellence de cette écriture à travers neuf textes. De La Cellule qui met en scène un homme séquestré obligé d’écrire pour ne pas être mis à mort (mais écrire quoi ?) à L’Art de la cartographie qui tente de témoigner au jour le jour d’une ville insaisissable jusqu’au texte final La Dispersion, qui aurait pu aussi s’appeler La Disparition, Daniel Bourdon met en scène des individus devant l’incroyable ou en décale la vie quotidienne. Aucun besoin pour cela de recourir à des espaces et des temps précis : l’incertitude qui régit la vie des protagonistes touche de son abstraction la scène où ils se débattent. Ce sont des paysages de rêves parmi lesquels nous évoluons, soumis à des urgences qui nous demandent de réfléchir, voire d’agir. Cette impossibilité permet de créer des sensations, un passionnant jeu de miroirs où toute prétention est tenue en échec.
Récits, nouvelles, proses, contes… quel est le terme qui pourrait témoigner de vos tentatives narratives ?
Spontanément, je n’appellerais pas ces textes des nouvelles. Et les appeler contes serait sans doute exagéré, présomptueux. Ce sont de courts récits, dont quelques-uns seulement aspirent à la forme du conte, encore que je sois bien incapable de définir très précisément ce qu’il faut entendre par cette expression. En fait le terme générique « histoires brèves » me paraît le plus approprié -le moins compromettant, aussi.
La concision de votre écriture épouse la concision de vos histoires : on a l’impression que votre désir est de créer une tension au sujet d’un mystère jamais explicité, toujours approché au plus près mais qui possède un véritable attrait, voire charme, du fait même...
Entretiens Visages du rêve
septembre 2002 | Le Matricule des Anges n°40
| par
Marc Blanchet
En de courts récits, Daniel Bourdon impose un univers troublant, où la folie guette les moindre initiatives des personnages dans la grande tradition du conte littéraire.
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