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Domaine français Paysage géologique

novembre 2002 | Le Matricule des Anges n°41 | par Bertrand Serra

Toujours hanté par la Grande Guerre et par sa survivance dans nos mémoires, Xavier Hanotte publie un roman habile et original qui dévoile d’étranges passages secrets.

Les Lieux communs

Xavier Hanotte, romancier wallon, germaniste et informaticien, structure son quatrième roman autour des thèmes qui traversaient déjà ses livres précédents. Derrière la Colline (2000), Manière noire (1995) et Secrètes injustices (1998, dédié à ses grands-pères…) campaient un flic esthète, traducteur à ses heures perdues de Wilfred Owen, poète anglais qui a écrit l’essentiel de son œuvre dans les tranchées belges. Ici, grâce une construction bien pensée et le choix d’un lieu géographique commun (Bellewaerde, en pays d’Ypres), vivent côte à côte, se croisent et s’entrelacent deux trames narratives, deux histoires. Celle de Pierre, soldat canadien engagé à la suite d’une déception amoureuse, qui roule vers Ypres pour s’y battre. Et celle de Serge, un gamin de 8 ans, qui va lui avec sa tante, en car et en groupe, s’y amuser : le champ de bataille de 1915 est en effet devenu un parc de loisirs.
Entre ces deux histoires, racontées en alternance, dans une sorte de champ contre-champ littéraire entre les deux narrateurs -Pierre et Serge- subsiste un lien ténu et fragile, incarné par une silhouette transparente (aux yeux de ses contemporains) et anonyme : un homme qui cherche, qui vient déterrer -ou enterrer ?- quelque chose (un cadavre ?) dans le parc d’attractions, pour exorciser un vieux démon. Serait-il une figure (métaphorique mais concrète) de passeur ?
De quelques mots (« il fait noir » pour Pierre qui perd connaissance après la chute d’un obus comme pour Serge dans la Maison du Magicien), d’une situation donnée entre les personnages (les éclaboussures des obus dans l’étang -« vision fulgurante de fontaine, de jeux d’eaux » pour Pierre- le « grand plongeon » de Serge sur le toboggan de la piscine -« je serre les dents et les poings à me faire mal, je retiens ma respiration »), qui fonctionnent comme des passages secrets, Hanotte assure les transitions d’une histoire à l’autre. Grâce à ce jeu de résonances verbales et de correspondances, de coïncidences troublantes et de répétitions, il réussit à mettre en parallèle ces deux périodes, renvoyées l’une à l’autre.
Cette construction en miroir juxtapose deux mondes, aux valeurs différentes : l’un où l’idée de camaraderie et la notion de serment prévalent ; l’autre, où la marchandise prime. Hanotte ne les oppose pas, et ne tire aucune conclusion. Le choix de ce parc de loisirs où les visiteurs indifférents ne voient pas cet homme qui creuse et qui cherche, n’est en rien anodin -on peut y voir un avatar d’une société marchande et amnésique qui tend à vivre dans un éternel présent… Seul Serge, un enfant, ne possède pas d’œillères, et semble étrangement remarquer le monsieur à la pelle avec sa carte, qui lui dit chercher « un trésor pas comme les autres ».
Comme un palimpseste, comme des sédiments géologiques ou des tombes dans un cimetière qui finissent par être recouverts, sur ce lieu commun le présent (le parc d’attractions) semble effacer le passé, s’il n’y avait ce bonhomme, s’il n’y avait surtout le romancier, qui déterre l’histoire de ce soldat (les tranchées, les morts au champ d’honneur, pour la patrie, le carnage…) en la couchant par écrit, pour qu’elle cesse peut-être de le hanter.
Xavier Hanotte évite justement les lieux communs -sentimentaux et historiques- pour explorer le paysage comme une archive que l’on compulse. Sa narration cantonnée à l’essentiel, son écriture sobre, légère et suggestive, parachèvent ce roman, remarquable.

Les Lieux communs
Xavier Hanotte
Belfond
216 pages, 14

Paysage géologique Par Bertrand Serra
Le Matricule des Anges n°41 , novembre 2002.
LMDA PDF n°41
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