Ce volume est un recueil d’instants choisis que l’auteur restitue avec une voix de petite fille. Délicate et ténue mais où sourd en pointillés une douleur qui étreint légèrement les phrases. La fillette, mal aimée, « aime sa mère à la folie comme les chiens font avec ceux qui les repoussent ». Les mots deviennent une parade contre l’abandon, l’esseulement. Ils laissent la part belle aux jeux de mots, à un imaginaire ludique. Certains passages sont de purs moments d’enfance comme celui-ci où elle décrit la sensation d’un aphte : « c’est un citron qui a poussé déja épluché, c’est du yaourt nature sur une cuillère en fer, c’est d’avoir dit des mots interdits, c’est avoir été interdite de mots déja dits, c’est du yaourt, c’est un citron, c’est un incroulement, un effondrement avec trois f, c’est le sel sur les dents d’une petite vague ». La langue, dépouillée, s’efforce de retracer le cheminement du plaisir procuré par les mots au désir d’écrire que l’enfant éprouvera une fois adulte. Il y a chez Sylvie Bocqui une ardeur à cerner la force d’un langage enfoui, oublié des plus grands.
Infini coquillettes
Sylvie Bocqui
Éclats d’encre
90 pages, 12 €
Domaine français Infini coquillettes
janvier 2003 | Le Matricule des Anges n°42
| par
Caroline Jane Williams
Un livre
Infini coquillettes
Par
Caroline Jane Williams
Le Matricule des Anges n°42
, janvier 2003.