S’il avait vécu quelques années de plus, Guérin aurait tiré de ces carnets de guerre un roman charge sur la débâcle de 1940. Soldat d’une division errant à l’arrière du front de l’est, il est témoin de la sottise à l’œuvre dans la chose militaire, longtemps masquée par les discours élogieux. « Ah ! certes, la guerre est belle, Monsieur de Montherlant », rugit-il en observant dans un coin des Ardennes la destruction, la détresse. L’auteur alterne méditations salutaires sur la bêtise humaine (détruire pour reconquérir, puis reconstruire, engloutir dans la guerre un argent qu’on n’avait pas pour la santé, l’éducation, les loisirs) et tableaux des méfaits accomplis : villages saccagés par les soldats venus s’y reposer, incapacité de la hiérarchie militaire, abus de pouvoir, misère des vaincus. Parfois, entre deux salves, le paysage prend l’apparence d’un tableau de Corot, de Chardin ou de Greuze ; on déguste des cerises ou des fraises sous les obus ; le visage d’une infirmière, la silhouette d’une serveuse apportent un instant de grâce. Mais le constat final est sans appel : « C’était la grande désolation de la guerre. Insolente, la sottise des hommes s’étalait ».
Le Temps de la sottise
Raymond Guérin
Le Dilettante - 120 pages, 13 €
Histoire littéraire Le Temps de la sottise
mai 2003 | Le Matricule des Anges n°44
| par
Jean Laurenti
Un livre
Le Temps de la sottise
Par
Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°44
, mai 2003.