Fatigués de soleil à la fin d’un jour d’été, si vous avez envie de calme, douceur et spiritualité, lisez le roman de Sandrine Willems. Il vous plongera hors du temps, au Moyen Âge, dans la cellule d’une jeune religieuse. Celle-ci, à la lumière d’une chandelle, rédige son journal et se remémore la figure de sa sœur aînée, Odette, servante du roi Charles VI dit « le roi fou ». L’amour qu’elle voue à sa sœur est à la mesure de celui que cette dernière a pour le roi. Odette est en effet, sans doute, la seule personne qui ait aimé ce roi étrange, pris d’une crise de folie à vingt-quatre ans, abandonné par sa cour, trompé par la reine avec son propre frère, qui voudra lui ravir la couronne avant d’être assassiné.
Cette page sombre de l’Histoire, aussi épineuse que les ronces, et qui donnera naissance à la guerre de Cent ans, est là comme illuminée par le personnage de cette servante, librement inspirée d’Odette de Champdivers, qui a soigné Charles VI jusqu’à sa mort.
Rythmé par le calendrier des fêtes religieuses et teinté d’autodérision, le journal de la sœur d’Odette met en regard l’histoire de sa sœur avec les sources de la littérature romanesque et spirituelle : la Bible, l’Évangile, le conte du Graal, Tristan et Iseult, la philosophie de Maître Eckhart… La religieuse, qui avoue d’ailleurs ne plus croire en Dieu, semble s’appuyer sur ces références pour mieux comprendre la sœur perdue. Elles sont amenées avec subtilité, sans casser l’enchaînement fluide du texte.
Pour différer la fin de l’histoire, qui marquera pour elle la séparation d’avec sa sœur, la narratrice évoque leurs souvenirs d’enfance ou sa difficulté d’écrire. La poésie de sa complainte force à l’arrêt dans la lecture. On relit, on écoute ces mots qui pourraient être lus à voix haute par l’auteur, elle-même comédienne. « Mais ne me quitte pas comme ça, dis-moi quelque chose, à quoi je pourrai repenser -comme au fond d’une poche on caresse un noyau ».
Le Roman dans les ronces
Sandrine Willems
Les Impressions nouvelles
192 pages, 15 €
Domaine français Légèrement étrangères
juillet 2003 | Le Matricule des Anges n°45
| par
Pascal Paillardet
Un livre
Légèrement étrangères
Par
Pascal Paillardet
Le Matricule des Anges n°45
, juillet 2003.