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La révolution Le retour au réel et donc au politique !

septembre 2003 | Le Matricule des Anges n°46 | par Jean-Yves Picq

Pour qui s’intéresse aux langues, « les langues sont les maîtresses des âmes » écrivait Sénèque en pleine Pax Romana, les prises de pouvoir se font avec les armes, dans le sang et l’effacement immédiat de ce sang, mais tout autant et sinon plus avec les mots et l’effacement immédiat de leur sens. Nous ne tarderons plus à subir et, cette fois, de façon globale si l’on suit les derniers conflits en cours, les conséquences des coups d’État sémantiques à répétition dont nos dernières décennies auront été les témoins.
Si la Révolution Française a inventé et travaillé les substantifs comme Liberté, Égalité, Fraternité, désignant une condition, du moins une aspiration, la Terreur, au nom même de ces aspirations, les a aussitôt vidés de vie et remplis de mort. Vint l’ère des ismes : l’Anarchisme, le Marxisme, le Socialisme, le Communisme, le Capitalisme, le Maoisme, etc. censés désigner des projets de société. La génération de 68 s’est opposée violemment à ces ismes, carcans devenus creux et sinistres.
De nos jours, sous couvert de Libéralisme, seul isme restant après la chute du mur de Berlin, les soi-disant projets de société nous concernant sont cyniquement présentés en termes d’actions. Fin des idéologies, place aux actes ! Et l’acte moderne et « pacifique » par excellence est l’acte de gestion ! Mais remarque-t-on assez le diabolique petit préfixe « dé » utilisé : dé-localisation, dé-concentration, dé-centralisation, dé-nationalisation, etc. avec, pour légitimer le tout, le formidable slogan mondial de dé-réglementation, maître mot médiatique qui dit, pourtant, clairement : l’abandon de toute règle. Le Livre de notre avenir est grand ouvert sur nos genoux : le projet de société(s) en place, au niveau de la planète (la guerrière Pax Americana) comme au niveau de notre chère et douce France raffarinesque (l’esprit de mai ! ha ! ha !), est bien celui de dé-faire, et d’agir hors de toute règle commune !
Constatons comme il nous est déjà presque impossible partout dans le monde mais chez nous en premier de faire appel à la notion de droit et d’utiliser ces termes de Liberté, Égalité, Fraternité, sans que ceux-ci nous reviennent en plein visage tels les fruits pourris d’un langage périmé, d’une pensée dépassée.
Or ce qui caractérise le monde « nouveau » de la Pensée unique et le rend en effet unique par rapport à l’ancien, c’est justement son absence totale de pensée. Il a une logique, certes, la logique financière, logique de la prédation, du vide, et de l’illusion car, faut-il le rappeler, l’argent de la Bourse n’existe pas (c’est de l’argent virtuel) alors qu’il détruit la réalité ! mais il n’y a rien dans la pensée unique qui s’approche de près ou de loin à ce que nous avons coutume d’appeler une pensée.
Aussi, quand, ces dernières années, nous avons accepté, sans nous rebeller, des glissements de termes nous désignant, passant de la notion d’usagers à celle de clients (SNCF) de patients à celle d’assurés (SS), de couple à celle de ménage (INSEE), de majorité silencieuse à celle de France d’en-bas, devons-nous nous étonner d’être passés, politiquement et sémantiquement, de la notion qualitative de citoyens à celle quantitative de « consommateurs », dont l’existence politique n’est reconnue que pour le taux de croissance que notre indice de consommation induit ? Des « bouches-people » !
Même si, individuellement, le problème ne regarde que la dignité de chacun, collectivement, et mondialement, c’est une autre histoire. Le recours systématique, dans les conflits actuels, à nos notions occidentales de démocratie devient dramatiquement mensonger quand nous savons qu’à l’avenir, dans notre journée d’être humain, et sur l’ensemble de la planète, les seuls territoires que nous traverserons seront commerciaux et sous contrôle de cinq ou six sociétés que l’on nomme, à tort, multinationales quand elles-mêmes se désignent comme trans-nationales, ce qui n’est pas du tout la même chose.
C’est là que la confusion politique, culturelle et religieuse que connaît le monde, savamment entretenue par les experts de la prédation, de la confiscation et de la démolition, prend tout son sens. Faut-il insister sur ce que les dernières élections françaises et américaines, pour ne parler que d’elles, ont eu de trouble et de suspect, s’apparentant à des coups de force, vidant de sens l’acte même de voter ? Les faucons américains et le Médef savaient, eux, ce qui se jouait : la liquidation pure et simple, au nom de l’économie globale, de ces notions de Démocratie, d’État et de Nation, de citoyenneté et de légalité, et l’abandon, lâchement consenti par les politiques eux-mêmes, des défenses immunitaires des pays, des états, des nations que ces mêmes politiques sont pourtant censés représenter ! En matière de santé, cette perte des défenses immunitaires s’appelle le sida. La maladie politique opportuniste qui nous atteint, tous, de plein fouet n’est qu’une phase du sida économique qui se répand sous couvert de mondialisation.
Quand, de plus, on introduit massivement le concept de « réalité virtuelle » dans nos univers, sans en définir la nature, mais comme seul principe marchand, le tour de passe-passe sémantique est accompli. Indicateur n°1 de cette réalité virtuelle, l’argent virtuel de la Bourse organise pendant ce temps une réalité bien réelle, elle, passant outre tous les fondamentaux de l’homme concret, né avec des besoins, des droits et des devoirs. Cette négation de l’homme concret est la matrice du plus grand totalitarisme que l’Humanité va devoir affronter de toute son Histoire. Même destin lugubre, donc, pour ce terme de libéralisme que celui de son cousin germain de Liberté sous la Terreur !
Alexandre Zinoviev signalait dès1976 dans son monumental ouvrage Les Hauteurs Béantes : « Ce pour quoi il faut se battre, ce n’est plus pour l’amélioration de notre existence, mais pour notre participation à l’existence » ! Mais lui ne visait alors que le communisme soviétique. Cette participation à l’existence implique un retour obligé au réel (sens premier de révolution : mouvement orbital périodique) et, avec lui, au politique actif (sens second : changement brusque d’ordre économique, moral et culturel) !
Pour que cette révolution advienne, il faut clamer encore et encore, comme l’enfant dans le conte d’Andersen, Les Habits neufs du roi, la réalité sinistre et nue de l’escroquerie en cours.

* Auteur, metteur en scène et comédien.
> Dernier livre publié :
Les Transparents, trois comédies (Lansman)

Le retour au réel et donc au politique ! Par Jean-Yves Picq
Le Matricule des Anges n°46 , septembre 2003.