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Domaine français Sans titre

octobre 2003 | Le Matricule des Anges n°47 | par Xavier Person

quoi sert le titre d’un livre, à ne rien dire de son contenu ou bien à tout en dire sans en rien dire du tout ? Voyons voir White d’un peu près.

White « n’égale pas » blanc « . » White " écrit sur un livre en français veut dire white, ce qui n’est pas la même chose que blanc. Ou plutôt, white veut bien dire blanc, mais sans le dire, ou en le disant autrement. C’est là toute l’affaire de White. Soit un livre, c’est-à-dire entre nos mains un bloc rectangulaire, de couleur blanche. Une sorte de mur blanc d’abord, aussi muet qu’un mur, avec écrit dessus, tout aussi silencieux, un titre qui dit cette blancheur même, mais pas vraiment, ou qui en la disant, la répétant puisque la blancheur était là avant, l’accentue. White sur blanc égale quoi ? Cela pourrait revenir à ne rien dire du tout, où à poser un mot destiné à s’effacer, se fondre dans le décor. Se taire. Un blanc dans la conversation. Tristesse (ou bonheur) de la tautologie : ce qui est blanc est blanc, un point, c’est tout.
Une « tâche blanche », nous dit Emmanuel Hocquard qui a beaucoup travaillé sur la question, c’est « une aporie dans la grammaire universelle-continue », c’est ce qui va autrement, ce qui crée une distance, ouvre une sorte de no man’s land dans la langue. Terrain vague. En cela, White fait bien une tache blanche en guise de titre, mettant l’objet qu’il pourrait désigner à distance, s’éloignant un peu sous nos yeux, ne s’avançant vers nous, sur le devant du livre, que pour mieux reculer finalement : ne se montrant que pour ne rien montrer, n’écrivant rien finalement, aucun nom qu’anonyme. Rien à raconter, semble-t-il nous dire pour commencer : d’emblée se met en place un lieu vide, espace vacant, sans sujet, sans rien que lui-même, en son abstraction. « Whatever is name is », est-il dit de Peter Thomson, l’un des personnages du livre, qui en fait ne s’appelle pas Peter ni Thomson, ayant tout oublié de sa langue maternelle : « il ne lui restait absolument rien, la langue qu’il avait sans doute parlée, pourtant, jusqu’à l’âge de six ans, sous un autre prénom ; rien, pas un rythme, pas un son, c’était comme si on avait basculé un interrupteur dans sa tête. »
De quoi s’agit-il ? De rien ? On ne racontera rien ici du livre qui tout entier se passe dans la blancheur du pôle Sud, éblouissante, excessive, dans ce brouillard bizarre, « le white out on appelle ça, le ciel qui se reflète dans la neige, ou l’inverse ». Les protagonistes y sont venus pour ne rien faire, faire le vide, et seule la question, la seule question qui les traverse est celle, très essentielle, de savoir ce qu’on fait quand on ne fait rien… Regardons plutôt encore une fois ce mot solitaire en guise de titre, qui brille un peu comme un miroir où rien ne se laisserait refléter, qui est juste là, simplement se laisse voir, en son insignifiance (rayonnant comme un idiot, dirait Hocquard). Voyons juste ce que cela fait de ne rien voir, puisque c’est de cela qu’il s’agit, lorsque comme Peter on se penche au-dessus du trou percé dans la glace pour tenter de remonter le temps, « jusqu’au temps où il n’y avait rien, où il n’y avait pas même le temps », ou lorsque comme lui, amoureux, on regarde cette autre béance, ce vide attirant, d’où l’on vient également, où retourner est une jouissance. Regardons encore ce mot étranger. Voyons voir comme un mot, n’importe quel mot, est étrange, dès lors qu’on le regarde ainsi, sans chercher à se cacher ce qu’il cache.

White
Marie Darrieussecq
P.O.L
222 pages, 17

Sans titre Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°47 , octobre 2003.