Est-ce de l’ordre du tabou ? Rares sont ceux qui osent prendre la Shoah ou l’univers concentrationnaire pour point de départ d’une œuvre d’imagination. Que dire après Levi, Antelme, Améry ? Plus rares encore sont les réussites : peut-être, l’an dernier, chez Nadeau, Le Non de Klara, de Soazig Aaron. Erich Hackl (connu pour le subtil Mobile d’Aurora, Stock) se risque donc : en 1944, à Auschwitz, le prisonnier Rudolf Friemel, ancien combattant communiste de la guerre d’Espagne, parvient à épouser Margarita Ferrer avant de tenter de s’évader et d’être pendu, « dans sa chemise de noces, brodée de roses ». Pour parvenir à raconter ce mariage d’Auschwitz, a priori invraisemblable, presque scandaleux, Hackl a d’abord suivi, ainsi qu’il l’explique dans une note finale, une démarche d’historien : de nombreuses lectures, des rencontres avec les témoins, les rescapés. Puis il a choisi de céder la narration à des voix alternées, celles de Marina, la sœur de Margarita, celles du premier puis du second fils du héros, ou celles de ses camarades. Nous retrouvons ainsi Barcelone dans la guerre civile, Vienne lors de l’Anschluss et, à Auschwitz, la hiérarchie mystérieuse des prisonniers ou les tentatives de résistance. Rien là de déplacé, rien d’irrecevable, mais, osons le mot, une certaine absence d’émotion rien de l’acuité d’un Semprun ou de la violence d’un Borowski (lire Lmda N°43).
Le Mariage d’Auschwitz de Erich Hackl
Traduit de l’allemand par Chantal Le Brun
Keris, Éditions Viviane Hamy, 157 pages, 10,95 €
Domaine étranger Carnet blanc à Auschwitz
octobre 2003 | Le Matricule des Anges n°47
| par
Thierry Cecille
Un livre
Carnet blanc à Auschwitz
Par
Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°47
, octobre 2003.