Peu d’ingrédients romanesques dans ce roman de Tarjei Vesaas (1897-1970), poète, romancier, nouvelliste et dramaturge norvégien tenu pour une des figures majeures de la prose scandinave : un garçon et une fille, âgés de 18 ans, liés par une amitié que leur plus tendre enfance a soudée, et promis l’un à l’autre par leurs parents ; la découverte du cadavre d’un bébé au fin fond d’une forêt ; la rencontre de sa mère, qui va rapidement perturber l’équilibre ; des rêves douloureux, teintés de fantastique, qui fendillent soudain la nuit comme les éclairs d’un orage ; une histoire d’amour qui naît, passionnée et déchirante, et qui tourne court brutalement. Dans ce roman publié en 1966, couronné par le prix du Comité norvégien des affaires culturelles, c’est un cadre stylisé, une sorte de paysage épuré, sans indication de lieu ni de date (on sait surtout qu’il y a trois ponts, deux maisons, une forêt proche), qui accueille une histoire écrite avec un nombre impressionnant de phrases brèves ne comportant qu’un sujet et un verbe. Si cette écriture minimaliste, ajustée au millimètre, a de quoi séduire par sa limpidité et son intensité, si l’économie narrative réserve quelques surprises et permet de beaux effets (notamment dans les passages inquiétants), le recours presque systématique à une telle sobriété prive le lecteur d’un surcroît d’épaisseur qui serait parfois le bienvenu, voire d’envolées romanesques qui donneraient au récit un peu plus de corps.
Les Ponts de Tarjei Vesaas
Traduit du néonorvégien par Élisabeth et Christine Eydoux, Autrement, 232 p., 14,95 €
Domaine étranger Le roman du presque rien
octobre 2003 | Le Matricule des Anges n°47
| par
Didier Garcia
Un livre
Le roman du presque rien
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°47
, octobre 2003.