Ashecliffe Hospital, centre psychiatrique situé sur une île au large de Boston, réservé à des malades qui ont commis d’atroces meurtres. Nous sommes dans les années 50. Deux policiers sont envoyés sur les lieux pour retrouver une patiente très dangereuse.
Si le romancier possède le pouvoir d’emmener son lecteur où bon lui semble, l’auteur de romans noirs prend soin généralement de plonger la tête de ce dernier sous l’eau, de lui faire visiter des lieux où surtout, il n’aurait pas osé avouer qu’il avait envie d’aller. Quelques pages et l’horreur se dessine bientôt, portée par une construction narrative si fine qu’on en vient rapidement à tourner les pages avec impatience et fébrilité. Impossible de décrocher avant le dénouement. La machine romanesque tourne à plein régime, le récit ne présente aucune issue. Shutter Island ne vous lâche pas.
Si le roman débute en suivant à peu près les conventions du genre, Lehane affirme l’originalité de sa voix au fil de pages, à mesure que le cauchemar gagne en complexité. S’attachant à disséquer différentes manifestations de la folie, Shutter Island laisse des questions en suspens. Le fou détient-il une part de la vérité ? Le fantasme peut-il gagner sur la réalité au point de s’y substituer ? La critique de la société reste en arrière-plan. C’est de l’individu dont il s’agit et de ce que le cerveau humain est capable d’engendrer comme monstruosité. On n’avait pas lu de livre aussi puissant sur la douleur d’être fou depuis Spider de Patrick McGrath.
Shutter Island de Dennis Lehane
Traduit de l’américain par Isabelle Maillet,
Rivages, 298 pages, 20 €
Domaine étranger Mais vous êtes fou !
novembre 2003 | Le Matricule des Anges n°48
| par
Benoît Broyart
Un livre
Mais vous êtes fou !
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°48
, novembre 2003.