C’est un livre singulier. Avant tout un livre d’amitiés. L’amitié pour un écrivain : Yves Gibeau, auteur de Allons z’enfants, constitue en effet le point de départ comme celui d’arrivée de ce livre de photographies de Gérard Rondeau, que l’artiste rémois a complété de notes, enrichi de lettres et de témoignages d’écrivains et artistes, d’archives et de manuscrits. Qui fut cet homme, dont le seul visage semble être celui d’un blanc barbu amoureux de la syntaxe française et antimilitariste collectionneur des traces de la Première Guerre mondiale dans sa région la Somme ? Le livre nous en présente un portrait décliné en lettres admiratives (Jean Vautrin, Bernard Noël, Yasmina Khadra, Yves Boisset : la liste est longue). Si ce livre est émouvant, c’est qu’à travers les photographies de Gérard Rondeau se dessine une mémoire d’un temps double : la guerre de 14-18 et comment celle-ci a fasciné après, sans qu’ils l’aient vécue, nombre d’artistes et d’auteurs. Gérard Rondeau a rencontré Yves Gibeau, retiré dans son presbytère de Roucy en 1981 et décidé après son décès, à partir de 1994, de photographier ce presbytère où l’écrivain a engrangé un musée personnel de la Première Guerre mondiale. Un livre où murmurent des impressions, où l’on sourit, se souvient beaucoup, témoigne, contemple. Où le fantôme d’Yves Gibeau apparaît comme la voix de tous ces morts anonymes qui l’inspirèrent. En parallèle de cette parution, ce travail photographique est montré à l’Historial de la Grande Guerre à Péronne jusqu’à la mi-février 2004.
Les Fantômes du Chemin des Dames, le presbytère d’Yves Gibeau
de Gérard Rondeau
Seuil, 286 pages, 40 €
Arts et lettres Appparitions d’Yves Gibeau
novembre 2003 | Le Matricule des Anges n°48
| par
Maïa Bouteillet
Appparitions d’Yves Gibeau
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°48
, novembre 2003.