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Essais Philosophie sexy

novembre 2003 | Le Matricule des Anges n°48 | par Gilles Magniont

Dans un essai bien senti, Mario Perniola nous promène dans les recoins inexplorés de la sensation amoureuse.

Le Sex-appeal de l’inorganique

Comment deux êtres peuvent-ils connaître une excitation sexuelle infinie ? L’idée d’amour éternel rend déjà incrédule… Le sex-appeal de l’inorganique offre pourtant une réponse des plus sérieuses, en dépit de son extravagance apparente. Essai qui tient à la fois de la narration littéraire, du théorème et du manuel, il met notre flair en éveil. Perniola, professeur d’esthétique à Rome, invente ici le concept de chose sentante, clef d’une théorie qui détermine les conditions optimales d’une sexualité libérée de toute transfiguration du sexe.
Car en effet, qu’ils aient fait régner en maître absolu l’esprit ou au contraire le corps, les spéculateurs, pratiquants, littérateurs, apôtres ou thérapeutes du sexe se sont fourvoyés, entraînant dans une monumentale débandade des générations entières. Tous victimes de l’orgasmomanie, cette conception instrumentale de la sexualité « qui expérimente le sentir sexuel comme une plus ou moins longue préparation à une très brève culmination, destinée à retomber au point zéro d’une normalité exempte de tension ». Tous acharnés à assigner à l’activité sexuelle un terminus : terrible contradiction, puisque la recherche de la satisfaction, par laquelle nous pensons nous élever au-dessus des bêtes, est en réalité un mécanisme qui caractérise l’animal. Le « sex-appeal de l’inorganique », ce n’est ni le désir spirituel qui convoite l’impossible, ni le désir organique qui réduit à zéro l’excitation, car l’un comme l’autre sont mortifères. C’est la disponibilité absolue par laquelle on s’abandonne comme chose sentante au toucher de l’autre comme une sorte de vêtement étranger : « Les corps sont devenus des rouleaux de tissu à déplier et replier l’un sur l’autre, de sorte que l’on peut finalement procéder à l’établissement d’un nouvel ordre et mettre la soie avec la soie, la laine avec la laine et la toile avec la toile (…). Les organes sont des habits dont sautent boutons et coutures et qui retournent à la condition de pièces de tissu ouvertes à travailler : on peut ainsi les assembler et les séparer suivant de nouveaux critères qui ne correspondent à aucune fonction et aucun but. »
On est loin de certaine littérature de l’intime, qui prétend capter la singularité de la fusion des corps à grand renfort de verges et de clitoris, vocables dont on ne sait pas très bien s’ils renvoient à l’amour ou à la gynécologie. Loin aussi des spéculations très tendance sur la chair, sésame intimidant et prétentieux dont on ne sait alors là plus du tout à quoi il renvoie. Or l’abstraction véritable ne consiste pas à égarer les esprits au point de ne plus savoir de quoi l’on parle, et le livre de Perniola réconcilie en ce sens avec la philosophie. Il laisse de côté les références obligées de l’académisme universitaire (de la sexualité pédagogique des Grecs aux avatars de la psychanalyse) pour éclairer d’un nouveau jour certaines pratiques, en de déconcertantes et brillantes analyses ; on est ainsi bien content de voir réapparaître Emmanuel Kant et sa « chose en soi » au voisinage de chapitres consacrés à la drogue (car le sex appeal de la drogue serait lui aussi excitation infinie !), au sadisme ou au masochisme.
Par son art consommé de la dialectique, l’auteur donne une furieuse envie d’exhumer la tradition philosophique dans ce qu’elle a de plus ardu… pour y rencontrer les merveilles de la trivialité.

Le Sex-appeal
de l’inorganique

Mario Perniola
Traduit de l’italien
par Catherine Siné
Léo Scheer
227 pages, 19

Philosophie sexy Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°48 , novembre 2003.