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Domaine français Saint Morgiève

février 2004 | Le Matricule des Anges n°50 | par Xavier Person

Richard Morgiève met le paquet dans Full of love, roman psycho-porno qui à la fin fait la morale à une poupée gonflable. L’inconscient y est vu de face mais aussi de derrière.

Disons-le, il y a quelque chose d’hystérique dans les livres de Richard Morgiève, l’utérus cherche dans le corps affolé du texte à conjurer son manque, le texte s’ouvre à sa béance et dans son outrance cherche une issue pour s’en sortir mais communique avec la mort. On y saute à l’élastique dans l’insondable, et l’innommable ne fait pas peur à cette écriture vaudevillesque et tragique, pathétique et sublime, étrangement naïve et d’une finesse ahurissante parfois… Déjà, dans des pages d’émotion intense, Ma vie folle1 s’engouffrait dans l’utérus pour remonter le temps et renaître en approchant la mort, en l’occurrence celle de la mère qui mourant d’un cancer de l’utérus allait accoucher de l’orphelin Richard Morgiève. Mais le traumatisme, d’être désigné et rejoué sur la scène du livre n’en désamorce pas pour autant ses effets, l’écriture comme thérapie se condamne au ressassement car c’est de ce ressassement même, atteignant par là une sorte de transe, qu’elle compte peut-être expurger ses maléfices… Pour déboucher sur une « santé », une vitalité, elle doit, de livre en livre, en revenir toujours au traumatisme, s’enfermer dans le cercle obsédant de la scène primitive, y répéter sans fin le geste de la déchéance et de son abjection, pour s’en libérer et en faire matière vivante traversée par du vivant.
Au croisement de Ma vie folle1 et de livres plus sombres et violents comme Sex vox dominam2 ou Legarçon3, Full of love pousse plus loin le bouchon (littéralement) de l’hystérie masochiste et (littéralement) s’enfonce plus profondément dans les fondements de cette gigantesque partouze en quoi semble consister l’inconscient de l’auteur, ou tout au moins celui de Gérard, le narrateur histrionesque de ce roman joyeusement aberrant. Nous y sommes au cinéma des fantasmes de l’auteur et autant vous dire qu’on n’y fait pas dans la dentelle : la projection est « proprement » jaculatoire, les images jaillissent à la vitesse de l’écriture et dans les phrases désarticulées nous prenons le train d’une sorte de Morgiève’s land loufoque, caricatural, grotesque et grossier. S’y crucifiant sur la croix en X de ses pulsions masochistes, Gérard assiste à la multiplication accélérée des images mais, rêvant de déboucher sur l’inconscient, en vient à vanter les mérites du fini et du réel. Le labyrinthe n’apparaît pas en effet sans issue, et c’est peut-être là que le livre est moins convaincant, trop décalqué peut-être d’une quête auto-psychanalytique, à trop vouloir retomber sur ses pieds, cherchant à déboucher sur une issue.
Car ce qui fait l’obsédante beauté de ce livre est sans doute avant tout ce qui résiste à l’intelligence analytique de l’auteur, ce qui en menace le sens et en fait le mouvement d’écriture. On se dit à le lire qu’une élucidation, la plus pertinente soit-elle, n’épuisera jamais le trop plein de l’incompréhension qui nous submerge et nous épuise. De fait, l’élastique se tend à vouloir faire le pont entre la morale et l’esthétique, entre le salut et la perte. Au début, Gérard écrit en lettres capitales au feutre rouge ces phrases qu’il accrochera au-dessus de son bureau comme le totem de son texte, son embrayeur magique : « TOUT EST CONSISTANT AGGLOMÉRÉ ET EN MÊME TEMPS FLUIDE. TOUT EST OBSCUR ET LE CIEL INVISIBLE DANS CETTE PARTIE DU MONDE RIEN N’EST SILENCE VRAIMENT ET POURTANT TOUT FAIT SILENCE. AINSI TOUT CONCOURT À UNE HARMONIE AUSSI PARFAITE QU’EFFRAYANTE. » Même s’il ne s’agit pas ici de plaider pour le mystère insondable et autres lyrismes creux, même si l’on ne peut qu’adhérer au programme de Richard Morgiève, qui n’est pas moins que d’éradiquer la mort tapie en nos vies, on voudrait juste dire que ce livre vaut avant tout par la densité de son flux, et dans le risque que prennent ses phrases pour sortir de tout contrôle, faire confiance au langage et au fond flirter plus avec la mort qu’avec la vie, même si l’inverse est aussi vrai…
À la fin Gérard est très en colère contre une poupée gonflable qui répétant mécaniquement « FULL FOR LOVE FULL OF LOVE » lui semble singer la vie. Rassurons-le cependant, la femme qu’il aspirait à devenir dans ses fantasmes est bien vivante, l’opération a réussi, non pas celle, chirurgicale, qui allait entraîner la mort de sa mère, mais celle, alchimique, qui dans l’écriture du roman permet le devenir femme du personnage-auteur et par là même le libère, l’accouche de lui-même. De sorte qu’on inverserait volontiers la proposition, affirmant que Richard Morgiève dans Full of love singe la mort pour donner vraiment chair à son sexe (ce n’est donc pas lui que le roman nous montre à la page 129, achetant honteusement une vulve électrique au supermarché du sexe…)

1Pauvert, 2000
2 Press Pocket, 1998
3 Le Serpent à plumes, 2001

Full of love
Richard Morgiève
Denoël
142 pages, 15

Saint Morgiève Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°50 , février 2004.
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