Hiner Saleem, dont le dernier film Vodka Lemon a été primé au Festival de Venise en 2003, investit les mots pour parler des siens et rappeler au monde que les Kurdes réclament encore un pays libre où vivre en paix. Le Fusil de mon père, écrit de manière quasi documentaire, raconte l’enfance d’Azad, le fils de l’opérateur personnel du général Barzani, chef des rebelles. Au Kurdistan irakien, terre de toutes les convoitises politiques et théâtre de répressions sanglantes, l’enfant apprend à vivre dans la crainte des arrestations, des déportations et des bombardements. L’armée, la police, les services secrets : toutes les forces de l’État irakien se partagent le contrôle de la zone. Comme dans la vie de l’adolescent, la grande histoire et les événements du quotidien s’entrecroisent. Azad va à l’école, dont l’instituteur est un militant kurde, il cherche un moyen de s’engager dans les combats, mais il est aussi amoureux et regarde des films indiens sur la télévision de son oncle. Les parenthèses politiques succèdent aux dégustations de fruits juste avant que des avions ne passent en rase-motte au-dessus de son village. Au milieu de ce chaos, un sentiment fort dépasse toutes les contingences : l’amour et l’admiration qu’Azad ressent pour son père, militant désespéré que le jeune fils étreint avant de partir en Europe pour un exil sans retour. Une histoire simplement édifiante, sans mise en scène, parallèle à celle d’Hiner Saleem dont le discours sur la condition des Kurdes n’est pas voué à tarir : « La bouche n’est pas un trou dans un mur que l’on peut boucher avec de la boue ».
Le Fusil de
mon père
Hiner Saleem
Le Seuil
172 pages, 14 €
Domaine étranger Simplement kurde
avril 2004 | Le Matricule des Anges n°52
| par
Franck Mannoni
Un livre
Simplement kurde
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°52
, avril 2004.