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Intemporels Pour une enfance sans interdit

mai 2004 | Le Matricule des Anges n°53 | par Didier Garcia

Psychanalyste et pédagogue, A. S. Neill croyait en une école libre où l’enfant aurait droit au bonheur. Sa réflexion fit grand bruit.

Libres enfants de Summerhill

Alexander Sutherland Neill (1883-1973) avait 12 ans lorsque Freud substitua à l’hypnose la psychanalyse, et l’école laïque de Jules Ferry comptait presque un demi-siècle d’existence lorsque ce pédagogue britannique fonda son école de Summerhill en 1921. Une école fondée contre l’école traditionnelle, et où l’enseignement reposait sur deux notions fondamentales : la liberté des élèves ainsi que l’autoresponsabilité. Paru à New York en 1960, en France au lendemain de mai 1968, Libres enfants de Summerhill est vite devenu un best-seller (plus de 400 000 exemplaires vendus).
Neill y présente son expérience personnelle. La création de l’école tout d’abord, dont la mission première n’était pas d’instruire (puisque pour lui l’enseignement vient freiner l’éveil intellectuel) mais d’éduquer des enfants « normaux » âgés de 5 à 15 ans. Son objectif était de permettre à chacun d’accéder à la vérité de son propre désir : « Il est évident qu’une école où l’on force des enfants actifs à s’asseoir devant des pupitres pour étudier des matières inutiles est une mauvaise école ». Summerhill aurait pu prendre pour devise ce qui réglait la vie dans l’abbaye de Thélème, que le Gargantua de Rabelais fit bâtir : Fais ce que voudras. Les cours y étaient facultatifs, les enfants y jouissaient d’une totale liberté, pouvaient jouer autant qu’ils le voulaient (car après avoir vécu pleinement le temps du jeu les élèves se mettraient d’eux-mêmes au travail), et Neill leur accordait le droit au bruit, à la masturbation, à la nudité, à la saleté, aux jurons, aux histoires grivoises (pour ne pas favoriser le refoulement sexuel), et même celui de ne faire ni mathématique ni grec ni latin. Il faudrait ajouter qu’il y interdisait la censure des livres, ne dispensait aucune doctrine religieuse (selon lui, Dieu, « c’est le meilleur de chacun de nous »), et s’attachait à servir au mieux les besoins de ses 45 pensionnaires, par exemple en tentant de lever leurs inhibitions. En 1955, l’école de Summerhill bénéficia d’un rapport d’inspection plutôt flatteur, qui validait l’efficacité de la méthode : il y avait bien liberté et non pas anarchie.
Évidemment, chacun en prend pour son grade, en tout premier lieu pédagogues et parents (« qui ne veulent pas apprendre ») : « Le rôle de l’enfant, c’est de vivre sa propre vie et non celle qu’envisagent ses parents anxieux, ni celle que proposent les éducateurs comme la meilleure. Une telle interférence ou orientation de la part de l’adulte ne peut que produire une génération de robots ». Et derrière eux, toute une société, marquée de manière indélébile par le péché de la chair.
Libres enfants de Summerhill adjoint à l’illustration une défense consistante qui ne laisse pas une ligne de répit aux parents, et plus précisément aux parents anti-vie (les « pro-autorité, pro-église et religion, pro-refoulement, pro-oppression »). Le constat a de quoi culpabiliser, alors qu’il entend simplement ouvrir les yeux : « La névrose commence avec la discipline familiale qui est l’opposé de l’amour ». Neill condamne un par un les comportements totalitaires des parents : leur despotisme à l’égard de la nourriture, leur répression sexuelle (notamment par la condamnation de la masturbation), leur croyance en une religion qui fait de la vie sur terre un échec, leur anxiété, leurs prohibitions, leurs prescriptions morales. En résumé, tout ce qui tend à l’endoctrinement de l’enfant : « La méthode universelle avec les enfants consiste à leur enseigner à s’adapter aux adultes et à leurs besoins. C’est une mauvaise méthode ». Les exemples qu’il donne montrent à quel point Neill respectait les rites et rythmes de l’enfance : « Peter a une mère qui lui a promis un penny chaque matin que son lit sera sec. Pour ma part, je lui ai offert trois centimes chaque fois qu’il l’aura mouillé ». Un respect qui n’a rien de gratuit : « En deux mots, mes trois centimes de récompense l’encouragent à rester un bébé jusqu’à ce qu’il en ait épuisé le désir et qu’il soit prêt à l’abandonner naturellement ».
Dans chacun de ses actes auprès des élèves, Neill disait oui au bonheur et à la vie : « Il vaut mieux être libre, satisfait et ignorant des fractions complexes que de passer des examens et avoir le visage couvert d’acné. Je n’ai jamais vu d’acné sur le visage heureux d’un adolescent libre ».
On peut lire dans ce livre un traité de psychologie, un bréviaire à l’usage des parents, le témoignage d’une expérience éducative, ou simplement un plaidoyer en faveur du bonheur et de la liberté. Dans notre société de plus en plus répressive, dans notre système éducatif ouvert à la compétition internationale, qu’en est-il précisément du bonheur ? Qu’il s’agisse des enfants, des parents ou des éducateurs, où pourront-ils le trouver ? Neill rêvait à sa manière d’un nouvel hédonisme ; espérons que cette réédition saura remettre ses valeurs au centre des débats sur l’école.

Libres enfants de Summerhill
Alexander S. Neill
Traduit de l’anglais par Micheline Laguilhomie
La Découverte/Poche, 478 pages, 13

Pour une enfance sans interdit Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°53 , mai 2004.
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