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Courrier du lecteur Anale poésie

avril 2005 | Le Matricule des Anges n°62 | par Xavier Person

Des gros mots pleins la bouche, Charles Pennequin jette le bébé avec l’eau du bain.

Je me jette (livre + 1 DVD)

Illustration(s) de Pascal Doury
Editions Al Dante

Se jeter, cher Charles Pennequin, se jeter, soi, dans le sentiment de soi comme ordure, comme excrément, si écrire = se jeter = vomir = se jeter dans cette dépréciation, cette abjection revendiquée, se jeter parce que naître, parce qu’être vivant selon vous, c’est être « dans la merde », n’écrire que dans ce mouvement de la déjection, n’être soi que jeté, comment cela peut-il finir autrement qu’en s’écrasant ? Se faire jeter ? Se jeter, comme vous le faites dans je me jette, se précipiter contre un mur, celui du langage, celui de l’identité, s’éjecter dans l’air comme on vient au jour, comme on se sent vivant dans la rencontre de l’air, n’est-ce pas, dans cette sorte d’intransitivité du verbe « se jeter » rapportée à soi, dans cette saisie de soi comme défécation, toujours le même mouvement à accomplir, à travers le trou que vous entendez creuser dans la langue, dans l’intelligence, toujours avoir à naître par l’anus, penser avec son cul (c’est vous qui le dites), s’accoucher dans sa merde, passer sa vie à s’accoucher soi-même, sans jamais cesser d’être dans cet effort de l’expulsion ? Parler se pourrait faire avec le cul dès lors que la tête est malade ? Parler serait pousser, pousser les mots, pousser les phrases pour que ça vienne, on ne sait quoi, on ne saurait pas penser ce qui vient, cela viendrait avec les mots, dans cette concentration de leur liquidité, en ce sens qui n’est que celui de leur avancée vers leur écrasement ? Se jeter, à l’oral comme à l’écrit, dans la performance ou dans le texte, faire l’idiot dans la poésie que vous dites faciale et qu’on pourrait dire facile ou fécale, revendiquée dans sa platitude spontanée de ce qui vient comme ça, se jeter ne finira donc jamais si vivre est confondu avec sortir, si le con = le cul = la bouche = Charles Pennequin ? Vous voyez ce que je veux dire ? Je ne vois pas toujours ce que vous écrivez. Je ne sais pas toujours voir ce qui vient dans vos mots, ce n’est pas fait pour être lu toujours, ou bien cela est fait pour être lu dans la douleur de ce qui ne vient pas toujours facilement dans la défécation : « nous n’allons pas nous nous/ nous n’allons que par nous et/ nous n’y allons qu’à nous/ que pour nous/ et n’y allons pas que pour n’aller/ par où pour aller pour nous mais nous/ n’allons que nous/ et allons à pas et à pour et n’y allons que ». Je ne vois pas toujours quoi dire de ce que vous écrivez. Je crois que, précisément, vous écrivez ce que je ne veux pas voir lorsque je lis, vous me mettez face à ce que je ne peux pas lire, face à du non lisible. Ce n’est pas tant la question des mots « bite », « con », « cul », « merde », qui bien sûr font écran, que ce mouvement même par lequel il me semble que votre écriture tend à vouloir se passer des mots, pour outrepasser les limites de l’intelligence, mais aussi pour, me semble-t-il, se passer des mots en tant que mots, en tant qu’ils sont mots et donc quelque chose plutôt que rien, en tant qu’ils ne sont pas que passage, que trou : « il y a dans l’espace des paroles entre/ toi et moi des mots clairs et je voudrais/ me couper la cervelle plutôt que/ d’entendre encore résonner ces mots/ comme des bruits de pas sur le/ plateau de la haine où on égorge les/ cochons de mon père ». C’est ce travail de l’innommable qui épuise ma lecture, ce tragi-comique, ce burlesque mouvement de la langue à vouloir sortir des mots, se défaire dans ce qui ne serait plus qu’expulsion pour l’expulsion, défécation pour la défécation. Pour se délivrer de la merde ? Se désengluer de l’organique en sublimant la merde dans sa phrase ? Faire sans mots, juste faire, écrire sans rien écrire que ce qui vient ? Ne pas cesser de pousser toujours ?
Vraiment, je suis resté un long moment sans savoir quoi faire avec votre livre. Je vous écris ceci en regardant les images de Pascal Doury, elles illustrent vos textes d’un bébête show plutôt grunge, en des collages qui oscillent entre le trash et Maya l’abeille, mais qui parfois là aussi frisent l’innommable (l’arrivée à Treblinka). Je relis encore quelques pages de ce dérangeant, et parfois très violent livre « crade », je m’arrête sur la photographie de la cuvette souillée des WC, je me demande si c’est de la merde ou du vomi que je vois et, cette fois-ci c’est décidé, j’arrête la critique littéraire. Bien à vous, avec mes remerciements soulagés.

je me jette de Charles Pennequin/Pascal Doury (+jemejette dvd offert), Al Dante + CNEAI, non paginé, 30

Anale poésie Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°62 , avril 2005.